CHAPITRE XIV
Dix ans plus tôt, Hassi Mesaoud
Tariq ! Tariq ! T'es là ou pas ? Je peux rentrer ou pas ? Ça fait une semaine qu'on ne t'as pas vu à la mosquée, tu vas bien ?
Hakim n'entendit pas de réponses. Il frappa fortement la porte, cria de nouveau mais ne constata aucun changement. Dépité, il décida d'attendre quelques minutes devant la maison de son ami, espérant que celui ci se décide à lui ouvrir. Au bout d'un quart d'heures il se leva, toqua une dernière fois par dépit et, alors qu'ils s'apprêtait à partir, il entendit une voix surgir au dessus de sa tête.
Ce dernier se retourna et aperçut Tariq, qui l'observait depuis sa fenêtre, au premier étage.
Oui, c'est moi ! Pourquoi tu m'ouvres pas ?
Kol khara ! J'essaie de dormir, laisse moi en paix !
Sale gawad ! Tu dors à midi comme les kehbas ? Ouvre ou je te maudis !
Tariq grogna en secouant la tête, il ne dit rien pendant quelques secondes et finit par grommeler :
Hakim patienta quelques instants puis il entendit la serrure se déverrouiller. La porte s'ouvrit devant lui et Tariq, qui était décoiffé lui intima d'entrer. Hakim le suivit mais une odeur inconvenante le troublait : l'appartement de son ami empestait l'alcool. Quand il pénétra la pièce à vivre, il constata que des bouteilles de vin étaient ouvertes et que des tâches rouges étaient disposées aléatoirement sur les tapis.
Tariq... c'est quoi ça ? Tout cet alcool...
Ah, laisse moi en paix... j'ai mal à la tête...
Tu te corromps Tariq ! L'Alcoran nous défend de boire ce poison !
Hakim était abasourdi et ne sut quoi répondre. Il se reprit et lui dit :
Ressaisis toi ! Viens à la mosquée au moins !
Je ne peux pas sortir Hakim. Des gens me cherchent...
Hein ? Mais qui ? Qui te cherche ?
Des vieilles connaissances... laisse, va.
Ce sont ces gens qui te font boire ?
Tariq explosa de rire.
Oui, si tu veux... c'est eux qui me font boire ha ha ! C'est à cause d'eux que je suis un mauvais musulman ha ha ha !
Hakim devint blême, les yeux emplis de tourments.
Je ne comprends rien ! Tu deviens fou Tariq ! Qu'est ce que tu fais ?
Tariq riait toujours, il serra Hakim contre lui. Ce dernier grimaça de dégoût en sentant la sueur imbibée d'alcool de son ami. Tariq se mit à sangloter. Il marmonna dans sa barbe :
Les pauvres petits... qu'est ce que j'ai fait ?
Hein ? Mais de quoi tu parles ?
C'est à cause d'elle tout ça Hakim... tout est de sa faute !
Qui ça ? C'est qui elle ? Tu te fais dominer par une femme Tariq ? Insensé !
Tariq riait de nouveau, il s'assit par terre et appuya sa tête contre le mur.
Non... ce n'est pas une femme... c'est un djinn mon frère. Elle vit là bas, dans le désert. Elle donne un peu... puis elle prend beaucoup. Puis elle prend tout.
Un silence pesant écrasait la demeure de Tariq. Il regardait à travers la fenêtre, d'un air désabusé.
Hakim prit la parole :
Il faut en parler à l'imam si c'est un djinn qui te tourmente Tariq. Tu vas subir de grands tourments sinon !
Non... non. Il n'y pourra rien. Je vais partir, si je vais au delà des montagnes, peut être qu'ils ne me trouveront pas.
Le 14 juillet 2021 à 10:28:00 :
Tariq qui go expat sur les conseils du forum
Tariq redpill sur les femmes.
CHAPITRE XV
Désert algérien, 1950
La voiture de police filait à grande vitesse sur une route liant le nord de l'Algérie au désert du Sahara. Lenoir était au volant et discutait avec son supérieur.
Vos intuitions étaient vraies commissaire, des hommes le cherchaient vraiment.
Tu sais que je me trompe rarement.
C'est vrai. Ceci dit on ne sait toujours pas qui était à ses trousses. Et l'histoire de cette femme... c'est encore un mystère. Il travaillait pour elle ?
Je n'en sais rien. Je pense qu'il lui devait quelque chose... ça doit être elle qui a commandité l'assassinat je pense.
Êtes vous certain qu'elle existe ? Apparemment Tariq la comparait à un djinn.
Tu sais comment sont les arabes. Toutes les femmes sont des djinns pour eux, ça ne veut rien dire.
Lenoir ne répondit pas, il était perplexe. Il continuait de conduire, tranquillement, quand des secousses venant du moteur vinrent le troubler.
Qu'est ce qu'il se passe ? Pourquoi la voiture saccade comme ça ?
Je sais pas...attendez je vais ralentir un peu.
Lenoir décéléra progressivement, mais la voiture continuait de brouter.
Mais non ! Mais merde pas ici bordel !
Lenoir voulait accélerer mais le véhicule ne répondait plus de rien. Il finit par s'arrêter doucement au milieu du désert.
Tu peux me dire ce qui est en train de passer ?
Je crois que ça vient des injecteurs... je pense qu'il sont foutus.
Merde....où se trouve la ville la plus proche ?
A vingt kilomètres au nord d'ici, il y a la ville de Blidet Hamor, on pourrait y trouver de l'aide.
Il va falloir marcher donc. Mais jette un œil au moteur d'abord, au cas où.
Lenoir s'extirpa de la voiture. En sortant, il sentit les rayons du soleil lui bruler le visage. Il ouvrit le coffre puis empoigna un gros bidon d'eau pour se désaltérer. Il le déposa à côté de la voiture et ouvrit le capot pour vérifier son pronostic initial.
C'est bien ce que je pensais. Le projecteur est mort. Il faudrait l'emmener chez un garagiste.
Bon, ce n'est pas si grave, prenons ce qui est nous est nécessaire dans le coffre et partons à Blidet Hamor, on trouvera bien de l'aide là bas.
Lenoir se dirigea vers le coffre, mais il avait oublié le bidon qu'il avait posé préalablement. Il trébucha dessus et renversa par la même occasion la quasi totalié de l'eau qui y était contenue. Lenoir cria :
Delatour, contourna rapidement la voiture et constata l'ampleur des dégâts. Lenoir releva le bidon à la hâte, mais il ne restait qu'un fond d'eau à l'intérieur. Les deux hommes étaient immobiles et un silence atroce les écrasait. Lenoir posa sa main sur le sol puis se releva. Sa main était rouge. Le goudron était brûlant.
CHAPITRE XVI
Au même moment, devant l'orphelinat d'Alger...
Claire fit sonner la cloche accrochée au mur pour signaler sa présence aux résidents de l'établissement. Elle patienta quelques minutes et finalement Fatima vint lui ouvrir.
Bonjour... oh, c'est vous Claire, je ne vous avais pas reconnue. Vous voulez voir votre sœur ?
Bonjour Fatima. Oui j'aimerais voir Juliette si vous me le permettez.
Tandis que les deux femmes avançaient côte à côte, Fatima œuvrait à faire vivre la conversation.
Je suppose que vous connaissez l'histoire... l'orphelinat a été infiltré, un enfant a failli se faire enlever...
Oui, c'est effroyable ! Le pauvre petit... est ce la première fois que cela arrive ?
Ici oui, pour sûr. Mais... je me suis renseignée. Et vous savez... des cas d'enlèvements dans les orphelinats, c'est fréquent dans notre province !
Oui, il y a des vieux journaux où ils en parlent dans les faits divers. Cela arrive plus souvent que l'on ne croit, et dans des régions différentes. Depuis le début de l'année il y a déjà eu une tentative d'enlèvement. Et les années précédentes il y a en a eu beaucoup aussi.
Claire considérait sérieusement ce que venait de dire Fatima. Son intuition féminine, couplée à sa capacité d'analyse, (renforcée par vingt ans de vie commune avec un commissaire) faisaient parfois des merveilles. Elle leva le menton et dit :
Si ces enlèvements sont fréquents et éparpillés sur le territoire... cela signifie probablement que le criminel n'est pas seul. Il doit s'agir d'une sorte de bande organisée.
Ça me semble logique. Mais je n'en suis pas certaine.
Fatima prit un air enjoué.
Vous devriez en parler à votre mari ! Je suis sûre que ça l'aidera !
Oh, mais ça ne serait pas une première ! Il me parle souvent de ses enquêtes, d'un air faussement innocent, en essayant de me faire croire qu'il ne fait ça que pour animer la conversation. Mais il est très attentif quand je lui fais part de mes observations !
Ha ha ! Je vois ce que vous voulez dire... oui, les hommes seraient perdus sans nous.
Pour sûr ! Nous les femmes, nous donnons les réponses.
Oui c'est vrai... mais vous savez... les hommes sont fous parfois. Je ne les comprends pas toujours... mais c'est comme si ils avaient une sorte de force en eux... quelque chose de chaotique. C'est étrange. J'ai besoin de ça moi, j'ai besoin d'eux... sinon j'ai comme l'impression de sécher. Moi je ne suis qu'une femme, je n'aurais pas pu sauver cet enfant, mais votre mari, lui l'a fait. Parce qu'il a cette force en lui et...
Claire l'interrompit, le regard suspicieux :
Rémy a fait quoi ? Il m'a dit qu'il n'était pas là pendant l'enlèvement, que lui et ses hommes ne sont arrivés qu'après les évènements...
Comprenant sa maladresse, Fatima devint blême et ne sût quoi répondre. Claire pâlit à son tour et lui demanda :
Rémy était il ici quand l'enlèvement a eu lieu ?
Je... je... non, c'est un malentendu, il est arrivé après je crois... enfin je suis sûre !
Claire n'était pas dupe. Sèchement, elle ordonna à Fatima de rester ici et s'élança vers le bureau de sa soeur. Quand elle fut devant la porte, elle frappa lourdement dessus. Une voix se fit entendre à l'intérieur :
Claire ouvrit la porte avec fracas, le visage empourpré et les yeux remplis de colère. Ses cheveux se dressaient sur sa tête. Les deux sœurs se toisaient, et Juliette, qui était perspicace, ne fut pas longue à deviner la cause du courroux de sa sœur.
Cette dernière, sans répondre, s'avança vers son bureau et la gifla si fortement que le visage de Juliette rougit d'un seul coup. Elle voulut répondre :
Attends... je suis désolée... je....
Mais sa sœur la gifla de nouveau et tourna ses talons pour s'en aller. Juliette pleurait abondamment, seule dans son bureau. En traversant les couloirs, Claire finit par croiser Fatima, qui la regardait avec un air de chien battu. Elle la toisa avec mépris, mais des bruits de pas la surprirent derrière elle. Elle se retourna et aperçut Juliette, qui se lamentait en cachant son visage dans ses mains. Elle finit par arriver auprès d'elle, se courba, s'agenouilla presque, en lui implorant son pardon.
Je t'en prie... pardonne moi... je suis si mauvaise... je suis désolée...
Claire se sentait faiblir. Elle commençait à prendre sa sœur en pitié, mais elle se ressaisit et murmura froidement.
Puis elle se tourna vers Fatima qu'elle gratifia d'une gifle à son tour.
Quant à toi, tu es une incapable ! Tu n'es... tu n'es pas même pas fichue de couvrir ma petite sœur quand elle a fauté ! Cet endroit est voué à la ruine...
Surs ces paroles, Claire s'échappa de l'orphelinat sans même se retourner. Quand elle fut sortie de l'établissement, son visage était recouvert de larmes.
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