L'OASIS DU DIABLE
CHAPITRE I
Algérie française, mai 1950
Tu n'as rien de plus à dire sur le mort ?
Non, on ne sait rien de plus, je vous ai tout dit monsieur le commissaire...
Ce dernier soupira en observant le corps. Il s'agissait d'un berbère, berger de profession, retrouvé inanimé au petit matin dans son village d'origine. Son visage était bleuté par la cyanose et son torse, préalablement découvert par les enquêteurs, était parsemé de pleins de petites tâches rougeâtres. Ces signes indiquaient un décès par suffocation. Mais un élément plus probant encore confirmait ce diagnostic : la bouche de la victime était inondée de sable.
Refais moi le récapitulatif de tout ce que tu sais.
Et bien, si vous y tenez... selon les villageois, cet homme vit ici depuis sa naissance. Il possédait un troupeau de chèvres, dont il prenait grand soin, une femme, quatre enfants.. Il menait une vie assez banale je dirais... cependant, il aurait disparu il y a quelques mois, sans prévenir personne ! Finalement, il ne leur est revenu que ce matin, dans un état que vous pouvez constater vous même.
D'un air affligé et dubitatif, le commissaire Delatour se tourna vers son subalterne et lui demanda :
Et les villageois, ils en pensent quoi eux ?
Rien de bien intéressant monsieur, des rumeurs, voilà tout...
Dis moi tout Lenoir, ne me fais pas perdre mon temps.
Vraiment monsieur, ce ne sont rien de plus de que des histoires ridicules, je vous le promets...
Bon, bon, si vous y tenez... pour tout vous dire une femme est venue me voir, et elle m'a dit que selon elle, ça serait l’œuvre d'une sorcière, une certaine "Teryel", et qu'elle vivrait dans les montagnes... m'enfin... vous connaissez les femmes... ce sont des racontars tout ça ! Un vieillard aussi m'a interpellé, il avait le regard fou et suppliant, il prétendait avoir vu la terre s'ouvrir et recracher le corps de cet homme au milieu du village... et puis... et puis il y a l'histoire de ce marmot encore, qui m'a juré sur sa vie qu'il avait vu un tapis volant déposer le berger à même le sol pendant la nuit. Vous voyez bien, monsieur, des histoires, que des histoires...
Delatour écoutait Lenoir sans même le regarder. Il hocha la tête de mépris quand ce dernier acheva son exposé et maugréa doucement :
Une sorcière, un tapis volant... ces gens ne seront jamais civilisés, décidément.
Lenoir voulut rajouter quelque chose mais il préféra s'abstenir, craignant d'irriter son supérieur. Delatour s'adressa à son équipe en employant ces termes :
On retourne au bureau. Quand vous arriverez là bas, faites examiner le corps par un médecin légiste. Quant à toi Lenoir, reste ici et continue d'enquêter auprès des locaux. Et veille à glaner de meilleurs témoignages cette fois ci.
Les policiers embarquèrent le corps du berger dans une fourgonnette puis s'engouffrèrent à l'intérieur. En démarrant elle souleva un nuage de poussière qui incommoda Lenoir. Ce dernier retira son chapeau et essuya la sueur sur son front, puis il épousseta sa montre pour en discerner le cadran : il était midi moins le quart. Il observa les villageois d'un air décousu et pesta dans sa barbe :
JvArchive compagnon