Le surveillant pointe du doigt une barre de céréale au sol, enveloppée dans un papier brillant.
- Elle était dans votre poche. Elle est tombée.
Alastor tique : le pion ne bouge pas ? Pourquoi ? N'a-t-il pas des portes à fermer, des élèves à surveiller ?
Le Lazuli reste là, interdit. Prêt à partir mais immobilisé par le regard de l'adulte.
- Est-ce... J'ai fait quelque chose de mal ?
- Il faut la ramasser, ça serait du gâchis.
- Je vous ai dit qu'elle n'était pas à...
Il ne le lâche pas. À quoi bon entretenir cet échange absurde ? Alastor s'en saisit d'un mouvement sec.
Le jeune Lazuli contient une moue d'incompréhension. Il est agacé sans savoir contre qui. Il file vers la leçon d'arithmétique, il faut reprendre ses marques.
- Je passe dans les rangs. Je vérifie les calculs.
Les heures s'enchaînaient avec fluidité pour Auroch. Crayon dans la main gauche, disquette dans l'autre. Il faisait tourner le curieux objet entre ses doigt, sous le couvert du pupitre.
Elle était intacte, malgré la chute.
Toutes les tentative du Séris pour la tordre avaient échoué. La rayer ? Pas plus concluant, même avec la pointe d'un compas.
Davis l'avait trouvé, mais Auroch savait qu'elle serait sienne.
Il apprécie une nouvelle fois le logo rouge, comme lui. Un papillon. Et le voilà à nouveau pris de la pulsion immature de disséquer pour comprendre. Il éprouve la disquette de toute la pression que ses doigts d'enfant peut exercer. Pas de résultat, encore. Frustré et grisé, il lâche un ricanement étouffé.
- Alastor ? Oubli de retenue ici, il me semble.
- Oui oui. J'avais vu, Monsieur Luddington. J'allais corriger.
- Mieux vaut déceler ce genre d’erreur vite. Sinon elle se répercute dans la suite.
- J'allais corriger j'ai dit !
Auroch lève un sourcil. Ce n'est pas son habitude, ces effusions pour son frère. Une fissure dans la carapace ? Il était temps.
- Pssst, Auroch, est-ce que 247 est dans la table de 13 ?
- Bien sûr que non Tommy ! Et c'est quoi la prochaine ? 30 n'est pas dans la table de 10 ?
Le Séris pouffe en silence, satisfait d'avoir induit son camarade en erreur.
Il hoche la tête. Voila ce qu'on gagne à dépendre de la force des autres.
.
.
.
Sorti des vestiaires, Alastor respirait à plein poumon. Le grand air engourdissait ses extrémités mais stimulait son esprit. L'orphelinat étouffant à quelques minutes de marche n'était plus qu'un vague souvenir.
- Un bon citoyen est un citoyen en bonne santé.
L'instructeur physique répétait son laïus, n'accrochant l'attention que des élèves les plus zélés.
- Le citoyen en bonne santé prend soin de son corps. Il le maintient comme il maintiendrait une machine. C'est son outil de travail, son moyen de servir Oxygène.
Le stade embrumé lui-même s'impatiente des foulées des orphelins. Le revêtement en caoutchouc bleu de la piste les appelle.
Mais il faut attendre.
- L'élève précautionneux s'échauffe, l'élève négligent se fait un claquage. C'est bien clair ?
Oui Monsieur ! Chantèrent en cœur les enfants qui sautillaient comme si le sol les démangeaient.
- Allez ! On trottine, on ne déroule pas encore, on reste modeste dans sa course !
Ils s'élancent, enfin !
- Heu...Vous vouliez me parler Monsieur ?
- Non, simplement tu ne cours pas.
Alastor se détend. Il sait de quoi il s'agit, il va pouvoir clarifier ce malentendu.
- Si c'est à cause de l'accident, j'ai passé des examens.
- Ce n'est pas à cause de l'accident.
- Il n'y avait aucune anomalie : pas de fracture, de concussion. Je vous l'assure Monsieur Liez je vais bien.
- Tu ne m'as pas entendu ? Le problème ce n'est pas l'accident.
Une veine palpite dans le cou du Lazuli. Il resserre ses bras sur son abdomen.
Un problème ? Et comment ça ce n'est pas l'accident ?
- Excusez-moi Monsieur Liez. Je ne saisis pas. De... De quoi parlez-vous alors ?
- Du fait que tu vas rester assis sur ce banc pour le reste de l'heure.
- Vous avez évoqué un problème...
- Mauvaise formulation, même finalité. Tu courras pas Alastor.
Sa voix de professeur l'avait quitté pour cette dernière phrase, plus rauque.
Une élève manque de glisser, devant eux, elle a le bras en écharpe. Les yeux d'Alastor s'écarquillent et s'embuent.
- Mais Luna ! Elle a le droit elle !
- Si tu n'avais pas remarqué, on ne court pas sur les mains.
Son estomac est lourd et froid comme si on y avait déposé une balle de plomb.
Alastor essuie une larme. On lui donne des ordres. On le prend pour un idiot. On le laisse de côté. Comme si il ne comptait pas.
Il explose.
- Sur un autre ton Alastor. Un bon citoyen reste mesuré en tout...
Le sol tangue sous ses pieds. Tout allait de travers depuis l'accident, depuis Davis.
Le Lazuli ne l'écoute déjà plus. Il veut les suivre mais les lignes blanches de la piste ondulent. Il passe son bras sur son visage humide. Son malaise s'obstine. La gauche est plus lourde que la droite. Son visage inconscient rencontre la bordure en caoutchouc.
Malheureusement dans ton état ça va être difficile.
Cependant tu as déjà demandé pendant les 10 jours d'intervalle entre l'accident et ton malaise, voici quelques réponses que tu as pu obtenir :
- Davis n'est pas en état de te voir.
- C'est le secret médical, seule la famille est autorisée à le voir, donc en ce qui le concerne...
- Tu veux alléger ta conscience ? Certains disent que tu en as réchappé grâce à lui. Il est à l'hôpital, il va bien, laisse le se reposer.
J'en ai assez de cet orphelinat, on marche sur la tête ici. Je dois trouver un moyen de quitter cet endroit quand j'irai mieux
![]()
On a pas vraiment d'autres propositions donc Alastor va sûrement essayer
Le 23 mai 2025 à 18:53:13 :
Le 23 mai 2025 à 08:32:49 :
Tu te souviens d'un humain et d'une lazuli.
Me renseigner sur les résultats connus des différentes hybridations inter espèces
![]()
Ce n'est pas quelque chose qui existe selon toi
"Il y a bien des couples avec certaines caractéristiques qui ont des enfants différents d'eux. Même des jumeaux différents comme vous."
Le 24 mai 2025 à 10:32:32 :
Le 23 mai 2025 à 13:15:23 :
La hiérarchie de l'orphelinat ? Ou tu penses à autre chose ?
Il y a le président d'Oxygène et son gouvernement, tout est si bien conçu que tu n'as même pas besoin d'y penser.
Pour le reste, tu sais qu'il y a les forces du Mouvement Anti-Liberté qui maintiennent la paix aux côtés de la pow-pow, et que des personnes travaillent pour le gouvernement sans le montrer, certaines sont déjà passées à l'orphelinat pour poser des questions il y a plusieurs années.
- Davis par-ci, Davis par-là, me saoule pas avec ton petit copain
Le 24 mai 2025 à 13:00:30 :
Je veux un plan de l'orphelinat avec l'utilité de chaque pièce![]()
Bâtiment des garçons : Dortoir, réfectoire, sanitaires communs.
Dortoirs, (il y en a 16 par bâtiment)
Pour chaque dortoir : 8 lits, une salle de bain avec un WC et un petit lavabo, une armoire par lit et une lampe de chevet.
Bâtiment des filles
Probablement la même chose, tu n'as jamais entendu de témoignages discordants.
Petite école
6 étages, quatre salles de classe par étages, certaines ne sont pas utilisées par manque de personnel.
En marron
Un grand fossé qui borde toute la ville de Witchita ainsi que l'orphelinat.
La prison
Infirmeries, salles d'études, salles de retenues, salle pour les entretiens entre élèves et professeurs.
Salle de démonstration
Pour que les acquéreurs puissent voir les enfants qu'ils vont adopter dans leur milieu presque naturel depuis une distance sûre.
Administration
Des bureaux, des résidences pour les professeurs, des salles d'attentes.
Quelles sont les conditions pour obtenir les enfants ? Est-ce que je suis prêt à être adopté ?
Pourquoi les acquéreurs doivent garder une distance avec nous ?
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Menacer Auroch : il nous laisse savoir ce que représente cette disquette pour lui, ce qu'elle contient ou sinon on ira voir un professeur, monsieur Luddington par exemple, pour lui dire qu'il l'a volée à un autre élève.
On dira aussi qu'il a menti l'autre fois en accusant Lulu de s'être couvert la bouche pour prononcer le mot interdit + on laissera plus rien passer
Le 24 mai 2025 à 14:50:49 :
Avec qui je suis dans ma chambre déjà ?![]()
Avec Auroch, Tommy le pétochard, et d'autres. Ton frère fait régner la terrible "règle du péteur" dans la chambre et terrifie les autres orphelins.
Quelles sont les conditions pour obtenir les enfants ? Est-ce que je suis prêt à être adopté ?
![]()
De ce que tu as pu voir les enfants qui sont adoptés sont souvent des enfants beaux, tu n'as pas d'avis objectif sur ta propre apparence donc tu ne sais pas si tu pourras être adopté.
Les conditions pour obtenir un enfant sont opaques mais tu te doutes qu'il faut être un citoyen respectable.
Pourquoi les acquéreurs doivent garder une distance avec nous ?
![]()
On ne s'approche pas des articles dans une animalerie !
Menacer Auroch : il nous laisse savoir ce que représente cette disquette pour lui, ce qu'elle contient ou sinon on ira voir un professeur, monsieur Luddington par exemple, pour lui dire qu'il l'a volée à un autre élève.
On dira aussi qu'il a menti l'autre fois en accusant Lulu de s'être couvert la bouche pour prononcer le mot interdit + on laissera plus rien passer![]()
Pour ça, je vais devoir remettre cette action à plus tard comme Alastor est pour l'instant évanoui et qu'on ne sait pas ce qu'il est advenu de lui.
La bibliothèque de l'orphelinat prend la poussière.
Tout établissement scolaire se devait d'en disposer d'une, elle était là. Les ouvrage : un amas, une décharge, une collection de restes pédagogiques. Des livres sans saveur dont la simple vue provoque un bâillement. Estampillés de stickers « nouveaux programmes» qui avaient eu le temps de jaunir.
Ses rayonnages sur la géographie ? Vides, comme les connaissances des élèves à ce sujet. Il y avait Oxygène, puis une région que les professeurs ne nommaient pas. Fin de la leçon. Le citoyen n'a pas besoin de plus pour fonctionner. Les orphelins, eux, avaient baptisé ce continent « le pays de la terreur », en référence à un vieux manuel.
Dans l'ombre de ces mappemondes, l'écran d'un minitel grésille.
Auroch profitait d'un angle mort dans leur surveillance permanente pour assouvir la curiosité.
- Personne ne doit s'approcher Tommy.
- T'es marrant Auroch ! Je fais quoi si un grand vient ?
Tommy perd toute expression. Il a un moment de réalisation terrible.
- Tu fais comme d'habitude, tu prends ta voix de victime et tu bredouilles des excuses.
- Chut, à vouloir anticiper les ennuis tu vas nous les attirer.
L'appareil moulinait, la disquette semblait lui donner du fil à retordre.
Auroch s'impatientait. C'est toujours plus long quand on a quelque chose à se reprocher.
- Alors ? Alors ? C'est fini ?
- Ça n'ira pas plus vite avec tes jérémiades.
- Et puis on fiche quoi ici ! J'ai...j'aime pas les s-secrets moi !
Auroch lève le poing en prenant une tête peu commode, les réclamations se taisent.
Bande après bande, l'affichage s'actualise. « Expéditeur : Pure Clean Solution ».
Le document se charge, mettant à mal le minitel qui saute d'une page à l'autre. Une image, « Vue d'artiste du secteur-O ; Titre : les chambres. »
Auroch s'empare du clavier. Il faut stopper le défilement, revenir à cette vignette floue. Il ne tire de la machine que des bips d'incompréhension.
Ses doigts s'enfoncent plus lourdement dans les touches, il s'imagine retenir une action mécanique mais les pixels à l'écran continuent de clignoter.
- Mais qu'est-ce que tu fabriques à la fiiiin !
- Pas maintenant Tommy, troque un peu de curiosité contre du coura...
Le gamin craintif piétine d'angoisse en désignant un vif rougeoiement à l'arrière du minitel. L'appareil éjecte la disquette et s'embrase.
Les yeux de Tommy passent du feu à Auroch, ils hésitent, mais pas longtemps.
Auroch brave la chaleur pour saisir la disquette à deux doigts. Il la glisse dans l'intérieur de sa veste et part avant de se faire prendre. Derrière lui le bureau est lui aussi gagné par le feu. Un cri, puis l'alarme. Il tourne les talons, ce ne sera bientôt plus son problème.
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Alastor se morfondait à l'infirmerie. Depuis son fin matelas, il avait pour seule vue une rangée de flacons cylindriques beiges. Certains étaient sans effet, d'autres vous plongeaient dans le coma, tous l'angoissaient.
Le lieu agissait comme une cage aseptisée, inhibant ses pensées. Dans cet état de fatigue mentale, il ressassait les mots interdits qu'il avait appris jusque là.
Envoler est autorisé mais pas « s'envoler ». On ne dit « illusion » sous aucune circonstance. « Malheur » est à employer avec modération. « Pensée » et « action » sont tel chats et chiens, jamais dans la même phrase...
Un pigeon montre le bout de son bec, séparé d'Alastor par une vitre.
- Au moins il y en a qui ne se font jamais de soucis.
Le volatile se dandinait le long du rebord, animé par sa curiosité. Ni l'air gelé, ni la hauteur du 4ème étage ne le décourageaient.
- Enfin, je n'aimerais pas avoir ta vie ahah.
Ses mots sonnaient creux.
Alastor se grattait la tête. Son existence avait du sens, contrairement à celle du pigeon. Et l'oiseau, lui, devait sans cesse lutter pour sa survie. Alastor avait un destin. Il allait quitter l'enceinte de cette écoles et rejoindre les tours de verre. Devenir quelqu'un. Compter. Et... C'était ça sa seule perspective ? Passer d'une cage à une autre ?
Il ravala avec honte cette assertion. Immature ! Cynique ! Gamin ! Banal ! Il flagellait son propre esprit pour avoir eu un raisonnement si simpliste.
La porte coulissante claque, les pas de l'infirmière se rapprochent. C'est une Lazuli aux cheveux tressés, elle a ces lieux dans le sang, à voir la facilité avec laquelle elle y manœuvre.
- Qu'est-ce qui m'est arrivé Madame ?
- Une simple crise d'angoisse, tu te surmènes.
Contournant le lit, elle cheminait lentement jusqu'à son chevet.
- La pièce n'était pas trop éclairée, tu as pu te reposer ?
- J'ai... J'ai dormi comme une souche.
- Pas de petites nausées ? Comme si tu avais mangé quelque chose qu'il ne fallait pas.
- Super. Et ta tête, tu as mal ?
Sous son apparente civilité Alastor s'agaçait. On ne lui avait pas posé autant de questions après l'accident de Davis, alors pourquoi maintenant pour une bête crise d'angoisse ? Il se voyait se lever et partir.
- J'en ai parlé avec Monsieur Liez, il y aura une sanction. Malgré ton évanouissement.
Alastor hoqueta. Il allait être puni ?
- Pour insolence, et non respect des consignes.
- Vous me parlez de consignes ? Il voulait que je ne courre pas, sans me donner de raisons.
- Je ne suis pas là pour juger qui a tort ou raison.
- Mais Madame ! C'est vous qui décidez de notre aptitude ! Je crois au contraire que vous êtes bien à même, de juger !
- Passons, tu sortiras demain.
- Il reçoit des soins, à l'hôpital. Maintenant baisse d'un ton je te prie.
- Et moi ? Personne ne me dit rien ! Est-ce que je me suis blessé à l’accrobranche ? Sans le savoir ?
- Je suis un miraculé ! Vous n'êtes pas non plus à même de juger pourquoi, c'est ça ?
- Je visualise mieux maintenant. L'insolence.
- Je ne suis plus un enfant, je veux savoir !
- Tu as 8 ans et tu fais un caprice, c'est le manque de sommeil. Je repasserai.
Le silence retombe sur l'infirmerie. Reste le battement de son cœur, qui tambourine sur ses tympans.
Le Maître, les surveillants, Monsieur Liez, ses camarades. Et si ce n'étaient pas eux qui avaient changé, mais simplement le regard qu'il leur portait ? Pas eux, mais lui.
Une conviction sourde grandissait en lui, celle de mettre son hypothèse à l'épreuve. Chassant les voix discordantes Alastor prend appui sur les barreaux du lit, focalisé sur la vitre devant lui.
Le ciel nocturne bleu marine de la saison de Neptuno l'appelle. Ses bourrasques glacées murmurent à ses oreilles.
Encore vacillant, il pousse de l'épaule les battants de la fenêtre par laquelle s'engouffre un vent mordant. Son corps frêle s'oppose avec résolution au cadre de bois massif. C'est bon, le chemin s'ouvre à lui.
Alastor contemple le sol, à plus d'une dizaine de mètre. Il hésite, puis se hisse sur la bordure.
Transi par le froid, apeuré par sa chute prochaine, il ne tremble pas.
Son esprit est plus alerte que jamais. « Je suis spécial, et si personne ne veut l'admettre je le prouverai. Par la force des choses. »
Il va sauter, il s'y apprête. Il en est presque certain. C'est le seul moyen pour comprendre.
Davis.
Une pensée traverse son for intérieur comme un éclair. « Je n'en réchapperai pas.»
Sonné, il s'effondre dans l'infirmerie, pantelant. Les réponses lui échappent, comme le fil de sa pensée.
Seule reste une certitude : cet endroit, l'orphelinat, est un poison.
Il n'y a plus rien à comprendre ici, il faut partir.
JvArchive compagnon