Plutarque Vies des hommes illustres
On voit encore, sur la place publique de Magnésie, le splendide tombeau de Thémistocle. On ne doit pas ajouter foi à ce que dit Andocide[77], dans son discours à ses amis, que les Athéniens déterrèrent ses restes, et qu’ils les jetèrent au vent. Ce n’est là qu’un mensonge, imaginé comme un moyen d’irriter les nobles contre le peuple. Phylarque[78] dans son histoire, a eu recours à une sorte de machine tragique : il fait intervenir, pour exciter la pitié et émouvoir vivement les cœurs, je ne sais quels Néoclès et Démopolis, fils de Thémistocle. Mais c’est une pure fiction, et qui saute aux yeux du premier venu. Diodore le Périégète[79] dit, dans son livre des Tombeaux, mais plutôt par conjecture que comme chose certaine, qu’il y a, près du Pirée, en venant du promontoire Alcimus, une langue de terre qui s’avance en forme de coude ; et qu’on trouve, après avoir doublé cette pointe, dans un endroit où la mer est toujours calme, une base fort grande, sur laquelle s’élève, en forme d’autel, le tombeau de Thémistocle. C’est ce que témoignerait, suivant lui, Platon le comique[80], dans ces vers ;
Ta tombe s’élève dans un lieu favorable,
Où elle sera l’éternel objet de la vénération des voyageurs.
Elle verra et ceux qui sortent du port, et ceux qui arrivent ;
Et, quand les vaisseaux combattront, ce sera son spectacle.
Les descendants de Thémistocle sont encore en possession, à Magnésie, de quelques honneurs particuliers, dont jouissait Thémistocle l’Athénien, qui fut mon camarade et mon ami, à l’école du philosophe Ammonius.
CAMILLE. (Né en l’an 446 et mort en l’an 365 avant J.-C.)
Quant à Furius Camillus[1], entre toutes les grandes choses qu’on rapporte de lui, ce qu’il y a de vraiment singulier et d’étrange, c’est qu’un homme qui avait tant de fois commandé les armées et remporté des victoires éclatantes, qui exerça cinq fois la dictature, qui obtint quatre triomphes, et qui reçut le titre de second fondateur de Rome, n’ait pas été une seule fois consul. Il en faut chercher la cause dans les circonstances politiques. C’était alors le temps des discussions du sénat et du peuple. Le peuple s’opposait à l’élection des consuls : et il nommait, pour gouverner à leur place, des tribuns qui exerçaient, dans toute leur plénitude, la puissance et l’autorité consulaires, mais dont le pouvoir était moins odieux, à cause de leur nombre. C’était une consolation, pour ceux qui n’aimaient pas l’oligarchie, que de voir, à la tête des affaires, six personnes au lieu de deux. Camille, qui était alors dans toute la fleur de sa gloire, et qui se signalait par ses exploits, ne voulut point devenir consul contre le gré du peuple, bien qu’on eût tenu plusieurs fois, à Rome, dans l’intervalle, les comices consulaires. Quant aux autres magistratures, il en obtint une foule, et dans tous les genres : et il s’y comporta de telle façon, que l’autorité, même lorsqu’il commandait seul, lui fût commune avec d’autres, tandis que la gloire lui restait en propre, alors même qu’il avait des collègues. C’était, d’une part, l’effet de sa modération : il voulait exercer le pouvoir sans exciter l’envie : et de l’autre, c’était le fruit de sa prudence, qualité qui lui donnait une incontestable supériorité.
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- Loose-Sutures
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- 7 septembre 2024 à 04:18:44
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