Plutarque Vies des hommes illustres
Les combats qu’on soutint dès lors dans le détroit contre les barbares ne laissèrent pas, sans être décisifs, d’avoir un bon résultat pour les Grecs : ils y firent l’essai de leurs forces ; ils y apprirent, par la lutte même, que le nombre des vaisseaux, la pompe et la magnificence de leurs ornements, pas plus que des clameurs insolentes ou des chants barbares, ne sont faits pour effrayer des hommes fermes et intrépides ; qu’il n’y a qu’à mépriser tout ce vain appareil, à marcher droit à l’ennemi, à le serrer de près, et à le saisir pour mieux porter les coups. C’est ce qu’a bien compris Pindare, quand il a dit, de la bataille d’Artémisium :
Les enfants d’Athènes y jetèrent l’illustre
Fondement de la liberté.
En effet, oser, c’est le commencement de la victoire.
Artémisium est un promontoire de l’île d’Eubée, qui s’étend au nord au-dessus d’Histiée : en face est Olizon, dans le pays où régna jadis Philoctète. Il y a, sur le promontoire, un petit temple, consacré à Diane, surnommée Orientale. Il est entouré d’un bois, et décoré d’un portique de pierre blanche : cette pierre, quand on la frotte avec la main, rend l’odeur du safran, et en prend la couleur. Sur une des colonnes, sont inscrits les vers élégiaques suivants :
Mille nations étaient venues des contrées de l’Asie ;
Mais les enfants d’Athènes, sur ces mers,
Ont détruit leur flotte ; et, quand l’armée des Mèdes eut péri,
Ils ont élevé ces trophées à la vierge Diane.
Quant au nombre des vaisseaux des barbares, le poëte Eschyle dit, dans la tragédie des Perses[36], parlant comme témoin, et d’après des renseignements sûrs :
Xerxès, j’en suis garant, avait mille
Vaisseaux en somme, sans compter ses fins voiliers,
Au nombre de deux cent sept. Voilà la vérité.
Les Athéniens en avaient cent quatre-vingts, montés chacun de dix-huit soldats, qui combattaient du haut du pont : quatre de ces soldats étaient des archers, et les autres étaient des hoplites[37]. Thémistocle ne fut pas moins habile, ce semble, à choisir le moment que le lieu du combat : il prit garde de n’engager l’action, contre la flotte des barbares, qu’à l’heure où il souffle régulièrement de la mer un vent très-fort, qui soulève les vagues dans le détroit. Cette agitation n’incommodait nullement les vaisseaux des Grecs, qui étaient plats et de médiocre hauteur. Mais ceux des barbares, qui avaient la proue relevée, le pont très-haut, et qui étaient pesants à la manœuvre, tournoyaient sous l’effort, et ils présentaient le flanc aux Grecs. Ceux-ci chargeaient vivement l’ennemi, attentifs à exécuter les ordres de Thémistocle, celui des généraux qui savait le mieux ce qu’il fallait faire.
Données du topic
- Auteur
- Loose-Sutures
- Date de création
- 7 septembre 2024 à 04:18:44
- Nb. messages archivés
- 569
- Nb. messages JVC
- 568