L'arrestation récente d'Igor Girkin, un éminent commandant militaire russe et critique virulent de la guerre défaillante de Vladimir Poutine en Ukraine, signale un changement inquiétant dans l'approche du Kremlin.
Plutôt que de répondre au mécontentement croissant face à son invasion agitée, Poutine semble déterminé à faire taire les dissidents par la force et les poursuites.
Girkin, mieux connu sous son nom de guerre « Strelkov », était un chef des séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine en 2014. Sa récente arrestation pour « discrédit » de l'armée russe est intervenue peu de temps après qu'il ait qualifié Poutine de « médiocre ». et le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou comme « incompétent ».
Une telle critique brutale aurait été impensable il y a quelques mois à peine, lorsque Girkin était considéré comme intouchable, compte tenu de sa stature parmi les nationalistes extrémistes. Pourtant, Girkin est aussi une figure controversée. Nationaliste russe autoproclamé et espion devenu soldat, il a été reconnu coupable par contumace l'année dernière du meurtre de 298 personnes à bord du vol 17 de Malaysian Airlines après que lui et deux autres ont abattu l'avion de passagers au-dessus de l'est de l'Ukraine en 2014.
Après l'incident, Girkin est rapidement retourné à Moscou, où il est depuis hors de portée d'une ordonnance d'extradition. Malgré son passé criminel, Girkin a conservé une position solide parmi les factions nationalistes en Russie avant son arrestation ce mois-ci.
La récente tentative de mutinerie d'Evgueni Prigozhin, fondateur de l'entrepreneur militaire du groupe Wagner, révèle en outre des fissures dans la structure du pouvoir russe. Prigozhin a attaqué les dirigeants du ministère russe de la Défense pour leur "négligence" dans l'opération en Ukraine. Le général Sergei Surovikin, commandant adjoint du groupe de forces russes combattant en Ukraine, aurait été détenu quelques jours après que les mercenaires de Wagner aient organisé leur révolte en Russie.
En bref, plutôt que de s'attaquer au fond de ces griefs, Poutine semble déterminé à faire taire la dissidence en utilisant l'intimidation et des prétextes juridiques.
Girkin et Prigozhin sont tous deux des produits de la propre rhétorique belliciste agressive de Poutine. Afin de susciter un soutien populaire à l'invasion de l'Ukraine, Poutine a radicalisé la société russe avec une propagande militariste sur les Ukrainiens - par exemple, qu'ils sont majoritairement nazis et font partie d'une fausse culture nationale.
Maintenant qu'il ne fait face qu'à des échecs militaires, Poutine veut probablement interrompre la guerre pour se réarmer. Pourtant, il ne peut pas expliquer ce pivot aux factions belliqueuses qui ont adhéré à sa rhétorique, et elles deviennent indisciplinées.
Ce resserrement autoritaire des vis coïncide avec le pivot stratégique de la Russie vers la négociation avec l'Ukraine. Poutine utiliserait probablement les pourparlers de paix pour se réarmer et se regrouper. Ainsi, il peut conférer une crédibilité superficielle à la prétendue volonté de dialogue de la Russie en présentant des gens comme Girkin comme des fauteurs de guerre imprudents.
Poutine cherche également à éliminer les menaces potentielles des critiques bellicistes s'il poursuit une stratégie de guerre réduite ou un règlement négocié. Les partisans de la ligne dure comme Girkin inspirent le respect parmi les factions nationalistes du public russe. Leur défi expose la faiblesse du leadership de Poutine et son incapacité à remporter des victoires décisives. D'où la nécessité de les marginaliser par l'emprisonnement.
Ivan Popov, le commandant de la 58e armée russe en Ukraine, a été démis de ses fonctions au début du mois après avoir critiqué le manque de soutien de l'artillerie ainsi que le nombre élevé de morts parmi les soldats russes.
L'Occident doit voir clair dans la fausse volonté russe de négocier. Les ouvertures de paix de Poutine sont des manœuvres tactiques, pour gagner du temps et diviser les alliés de l'Ukraine en vue de plus de violence. Certes, une pause tactique ne restaurera pas les capacités militaires éprouvées de la Russie. Cela ne fera que retarder le calcul sous-jacent, tant que l'Occident le verra pour ce qu'il est et restera uni.
Même ainsi, la récente stratégie de sécurité nationale de Poutine double sa rhétorique anti-occidentale et ses ambitions de renverser l'ordre mondial. Et son armée continue ses frappes de missiles aveugles contre des cibles civiles ukrainiennes - loin d'être les actions d'un dirigeant qui recherche sincèrement la paix.
Du point de vue de Kiev, il est clair que Poutine est dans une situation délicate, l'armée russe subissant des pertes importantes et ses stocks de missiles étant gravement épuisés. Bien que Poutine ait intensifié sa rhétorique agressive pour soutenir l'invasion, il manque maintenant de réalisations concrètes pour assouvir la soif de sang qui en résulte. Avec seulement des gains territoriaux minimes, Poutine se permet quelques critiques tout en feignant d'être prêt à négocier, visant à maintenir son soutien public malgré l'absence de victoires décisives.
Plutôt que de prendre la branche d'olivier de Poutine comme appât, l'Occident devrait maintenir et même augmenter l'assistance militaire à l'Ukraine. Seuls les renversements du champ de bataille qui ébranlent définitivement la capacité de la Russie à faire la guerre obligeront Poutine à poursuivre sérieusement la paix.
Pendant ce temps, l'arrestation de Girkin crée également un martyr pour les factions nationalistes en Russie. Poutine joue un jeu dangereux en provoquant ses détracteurs bellicistes. La poursuite des échecs sur le champ de bataille en Ukraine, associée à des tentatives grossières de faire taire les détracteurs plutôt que de répondre à leurs critiques, risque de provoquer de graves troubles.
Les éléments extrémistes au sein des services militaires et de sécurité se sentent déjà trahis par la gestion de la guerre par Poutine. Transformer Girkin en prisonnier politique persécuté pourrait faire de lui un puissant point de ralliement pour cette opposition. Poutine pourrait constater que ses efforts acharnés pour contenir la dissidence ont pour effet involontaire de galvaniser les menaces contre son pouvoir.
Elles ont l'air full rouillées
le feu laisse un effet de rouille sur l'acier peint
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