Il y a quelque chose à dire sur le mot «dépression», qui a presque entièrement éliminé le mot et même le concept de malheur/d'insatisfaction de la vie moderne. Sur les milliers de patients que j'ai rencontré, seuls deux ou trois se sont jamais déclarés malheureux: tous les autres clamaient être dépressifs.
Ce changement sémantique est profondément significatif, car il implique que l'insatisfaction à l'égard de la vie est elle-même pathologique, une condition médicale, et qu'il est de la responsabilité du médecin de la soulager par des moyens médicaux.
Chacun a droit à la santé; la dépression est malsaine; donc chacun a le droit d'être heureux (à l'inverse de la dépression). Cette idée à son tour implique que son état d'esprit, son humeur, est ou devrait être indépendant de la façon dont on vit sa vie, une croyance qui doit priver l'existence humaine de tout sens, déconnectant radicalement la récompense de la conduite.
S'ensuit un pas de deux ridicule entre le médecin et le patient: le patient fait semblant d'être malade et le médecin fait semblant de le guérir. Dans le processus, le patient est volontairement aveuglé vis-à-vis de la conduite qui a inévitablement causé sa misère en premier lieu.
J'en suis donc venu à constater que l'une des tâches les plus importantes du médecin aujourd'hui est le désaveu de son propre pouvoir et de sa responsabilité. La notion du patient selon laquelle il est malade fait obstacle à sa compréhension de la situation, sans laquelle un changement moral ne peut avoir lieu. Le médecin qui prétend soigner est un obstacle à ce changement, aveuglant plutôt qu'éclairant.
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Ma traduction d'un passage du premier essai (The Frivolity of Evil/La frivolité du mal) de Theodore Dalrymphe dans son livre "Our Culture: What's Left of It/Notre culture : Ce qu'il en reste".
Ses livres n'ont pas été traduits en français donc je prévois de poster des passages qui pourraient vous intéresser de temps en temps.
Bonne journée à tous.
Le 11 avril 2021 à 06:00:18 :
Très intéressant. Cependant, je pense quand même que la dépression comme pathologie indépendamment de la société dans laquelle on vit, reste une notion pertinente. Le taux de dépressifs dans un pays n'est pas forcément corrélé au niveau de misère sociale de ce dit-pays. On voit qu'en occident on a un confort matériel bien plus important qu'ailleurs et des problèmes politiques moins importants et pourtant on compte plus de dépressifs. Pour moi, ça reste pertinent de faire la distinction dépression/malheur.
Au delà des dépressifs virtuels que l'on compte par millions, j'aimerais bien en savoir plus à propos des méthodes de diagnostic, voire même des statistiques concrètes. L'inserm renvoie à une étude réalisée en 2017 auprès de 15 000 personnes choisies aléatoirement par le biais d'un questionnaire standardisé. Grossièrement, l'étude ne dépendait que des sentiments et croyances de chacun. Si Nicolas, addict aux jeux vidéos qui ne sort jamais de chez lui et ne comprend pas pourquoi il est si malheureux décide de justifier son état par "la dépression", il n'a qu'à cocher quelques cases. De ma propre expérience, ayant côtoyé une ribambelle de "dépressifs", quelques maigres entretiens ont suffi pour établir un diagnostic. Bref, je doute qu'on puisse faire quoi que ce soit des quelques statistiques existantes.
Est-ce qu'on aurait pas plutôt l'insatisfaction facile, en Occident ?
Je trouve ça intéressant comme analyse ceci dit la dépression reste une pathologie clinique avérée avec ses symptômes son versant physique etc
Un cerveau dépressif ne fonctionne pas comme un cerveau sain
Ca reste vrai qu'il y a toujours une part de responsabilité mais a mon avis c'est pas ou l'un ou l'autre c'est pour ça que c'est particulierement compliqué
Mon psy m'a dit qu'on pouvait tout à fait se complaire dans sa pathologie et dans le fond il a raison
Ceci dit je crois que les gens sont juste désemparés, ne savent plus trouver leur bonheur par eux meme car la société consumériste les illusionne
J'étais avec une fille en soirée c'est le prototype, ultra malheureuse, commerciale pour la bullshit economy, mais quand tu lui parles de faire un métier intéressant elle te dit c'est trop mal payé
Bah reste dans le caca cousine
Le 11 avril 2021 à 13:55:38 :
Le 11 avril 2021 à 06:27:25 :
Tu n'es pas depressif, tu es juste distrait:![]()
Une copine , des études réussies
T'es au courant que 95% des gens du forum qui se disent dépressif n'ont pas ça ?
Et ne l'ont même jamais eu ?
Y'en a pour qui même le tableau d'amis c'est un rêve
Ça parle surtout de gratitude en fait.
Je pense aussi qu'on peut choisir de se complaire ou non dans son état dépressif - même si certains états, les plus sévères, sont bien au-delà de la volonté.
Vivre dans un pays riche, n'avoir jamais connu la guerre et les menaces de mort imminente, manger à sa faim, avoir une bonne santé, des opportunités (on vit pas au Sahel non plus : changer de métier, se former, déménager, ça se fait plus facilement ici qu'ailleurs), avoir une famille pour certains... C'est une chance immense.
Vivre un jour de plus, c'est déjà une chance. Et si en plus on a la santé, voire même des gens qui nous aiment, alors là c'est le gros lot.
Arrêter de se comparer et apprécier ce qu'on a ça aide énormément je trouve.
JvArchive compagnon