Pourtant l’objet principal de Lycurgue n’avait pas été de laisser Sparte à la tête de nombreux sujets. Persuadé que le bonheur d’une cité, comme celui d’un particulier, est le fruit de la vertu et de l’harmonie qui règne en elle, il la régla, la disposa de façon que les citoyens, toujours libres et se suffisant à eux-mêmes, se maintinssent aussi longtemps qu’il serait possible dans la pratique de la vertu. C’est sur ce plan qu’imaginèrent leurs républiques Platon, Diogène, Zénon, et tous ceux dont on vante les conceptions politiques ; mais ils n’ont laissé que des écrits et des discours, tandis que Lycurgue a mis au monde, non point dans des écrits ni dans des discours, mais en réalité, une république inimitable. Il a convaincu d’erreur ceux qui prétendent que le sage, tel qu’il est défini par les philosophes, ne saurait exister : il leur a fait voir une ville entière soumise aux règles de la philosophie. Aussi sa gloire l’emporte-t-elle, et à juste titre, sur celle de tous les fondateurs de républiques dans la Grèce[67].