Thucydide, dans sa Guerre du Péloponnèse[56], raconte que les Spartiates avaient choisi, pour les affranchir, ceux des Hilotes qui s’étaient distingués par leur courage : ils les avaient couronnés de fleurs, et ils les avaient menés dans les temples remercier les dieux de leur liberté ; mais, bientôt après, tous les affranchis disparurent ; et ils étaient plus de deux mille ! et personne ne put jamais, ni dans le temps ni plus tard, dire comment ils étaient morts ! On dit même, et Aristote atteste le fait, que les éphores, en prenant possession de leur charge, commençaient par déclarer la guerre aux Hilotes, afin que ce ne fut pas un sacrilège de les tuer. Les Spartiates les traitaient, partout et toujours, avec une extrême dureté. Ils les forçaient de boire avec excès, et les menaient ensuite dans les salles des repas communs, pour montrer aux jeunes gens ce que c’est que l’ivresse. Ils les obligeaient à chanter des chansons, à danser des danses, indécentes et ridicules, et ils leur interdisaient tout ce que ces amusements peuvent avoir d’honnête. Aussi dit-on que, longtemps après Lycurgue, lors de l’expédition des Thébains dans la Laconie, les Hilotes refusaient de chanter les poésies de Terpandre, d’Alcman[57], de Spendon le Lacédémonien[58]. « Nos maîtres, disaient-ils, nous l’ont défendu. »