[19:57:42] <GrosseMite974>
Courage mon kheyou je penserai à toi ce soir
Merci khey
Bonne fête à vous
Je vais me préparer.
Le 31 décembre 2024 à 20:00:31 :
[19:58:24] <2023Babayanga>
envisage une reconversion non?Oui j y pense ,mais j ai pas les diplômes , juste l expérience pour ce genre de taff de bourrin. Et on s habitue au salaire, je me dit demain depuis 4 ans maintenant... mais tu as raison faut que je me tire
magasinier c'est le rêve à côté de ça
"avec les primes annuels si je fais le calcul je dois etre a 3K / mois , mais je vais jamais tenir 40 ans meme avec le double je le ferais pas j'attend d'avoir assez pour m'acheter un petit bien et trouver un emploi moin payé mais plus sain physiquement et psychologiquement"
Ça en est où ? https://image.noelshack.com/fichiers/2020/22/4/1590663416-ahaaaaa.png.
Bonne fête à toi aussi khey
J'imagine qu'avec tes 4 années à travailler de nuit chez Riot Tinto t'as dû te faire pas mal d'argent. Quitte ce boulot, c'est en train de te tuer purement et simplement...
Le 19 septembre 2021 à 20:00:09 :
après 30 minutes d'autoroute a me remettre en question sur mes choix de vie![]()
j'aperçois enfin les grandes cheminées qui recrachent leur fumée noir comme mon âme
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5 minutes pour trouver une place sur le parking , je récupère mon sac a dos , je salut le service de sécurité et je vais badger
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direction les casiers ou je croise patrick mon voisin de casier , 48 ans ( le physique d'un homme de 68 ans ) , deja 30 ans de carriere , une pension alimentaire sur le dos et une haleine de whisky
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je le salut , et j'enfile mon bleu de travail , les chaussures de securité et enfin le casque
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je me dirige vers la passerelle qui me conduit vers l'enfer des cuves en fusion , je crois l'equipe que je relève , ils ont tous le regard vide , traine des pieds , brisé par la fatigue et la depression , j'entend un " bon courage "
![]()
j'arrive au briefing , je prend ma feuille de travail " merde aujourd'hui je suis a la coulée metal " j'enfile ma deuxième tenue et mon masque ventilé , environ 20 kilo sur le dos , il faut bien ca pour supporter les cuves a 1500 degrés
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je sors du briefing et je me dirige mon poste de travail , j'entend deja le bruit assourdissant des machines , je sens deja l'odeur des produits toxiques cancérigènes dégagées par les cuves
il est 6 heures , je me dirige vers la sortie , le regard vide je croise l'equipe qui me releve , et je lache un petit " bon courage "
![]()
6H45 , je suis enfin dans mon lit , brisé , impossible de dormir a cause des acouphenes provoqués par cette enfer , l'odeur des gaz toxiques me font encore tousser ,
l'enfer
Ça va, tu peux rentrer dans ton lit assez tôt
parfois j'ai des images de philippe qui est tombé dans une cuve de metal en fusion , les cris , je pense a karim qui a recu une plaque en metal de 3 tonnes sur les mains
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Mecha Freezer est ton collègue de travail ?
Le 17 août 2022 à 00:50:28 Esclavescucks10 a écrit :
Le 19 septembre 2021 à 20:20:45 :
Arcelor Mittal?
Ils ont au taux de décès dans leurs entreprise, ça fait peur
j'imagine que c'est le genre d'entreprise où tu affiches pas le petit écriteaux du nombre de jour sans accidentJ'y ai taffé.
Pendant un début de poste, un chef nous parle de sécurité, un ouvrier dans une autre usine du groupe est mort dans un four. Il était agent de maintenance je crois, il est rentré dans le four pour un contrôle, l’opérateur n'a pas vu qu'il était à l’intérieur, et il a lancé le four. Le pauvre gars est mort carbonisé.
Et le boomer sans âme à coté de moi qui ricanait "J’espère qu'il portait ses bouchons d'oreille"
J'ai tenu même pas 6 mois. C'était de l'intérim, j'ai décroché un cdi ailleurs et je me suis barré avant la fin de mon contrat. Il y avait une bonne ambiance entre les ouvriers, ceci dit, mais pour le reste![]()
Le travail était épuisant et chiant, et l'usine était géré par une putain de mafia complétement à la ramasse.
Ah, et évidemment, le travail était sous-payé
Ça fait rêver
Le 31 décembre 2024 à 19:53:11 :
Bon je suis de nuit pour le 31Coulé métal en + , ça se passe jamais bien , dans 2 heures je met ma tenue aluminisé pour affronter le métal en fusion à 1400 degrés, le racal pour supporter un environnement saturé en gaz toxique.
A minuit, ce sera clop et café avec Didier qui me parle de son divorce
Bordel khey jte souhaite bien du courage !
Un 31 à faire un tel taff, et de nuit en plus...
Le 31 décembre 2024 à 20:16:25 nazgulsombre24 a écrit :
Le 31 décembre 2024 à 19:53:11 :
Bon je suis de nuit pour le 31Coulé métal en + , ça se passe jamais bien , dans 2 heures je met ma tenue aluminisé pour affronter le métal en fusion à 1400 degrés, le racal pour supporter un environnement saturé en gaz toxique.
A minuit, ce sera clop et café avec Didier qui me parle de son divorce
Bordel khey jte souhaite bien du courage !
Un 31 à faire un tel taff, et de nuit en plus...
alors qu'il pourrait être au RSA dream
Le 31 décembre 2024 à 21:11:06 :
Ayaaaaa c'est quoi cette boite de l'enfer qui ferme pas le 31 ?
l'enfer
Le 31 décembre 2024 à 21:11:06 :
Ayaaaaa c'est quoi cette boite de l'enfer qui ferme pas le 31 ?
L'esclavage dream, ce n'est pas l'école
"Hein euuuuuuh quoi quoi? ah merde... c'est l'heure... 3h35... l'usine"
Toujours seul, toujours puceau, toujours triste, personne à côté de moi dans ce grand lit. Je me réveille difficilement et j'allume la lumière dans ma chambre Lidl en bordel et puant le sperme.
Je vire ma couette, assit sur le côté gauche du lit je me lève puis j'enfile un boxer célio et mon jogging, je descends dans la cuisine pour manger vite fait. Dehors il fait nuit noire et sûrement frais. Je vois ces abrutis de papillons de nuit attirés par la lumière, se poser sur les fenêtres. Ils sont vraiment cons ces insectes.
Je tremble à cause de la fatigue et de la fraîcheur de l'air, je me verse un café de la veille, je le passe au micro onde vite fait et je l'avale en 3 gorgées. Je mange 2 tranches de brioche et je vais dans la salle de bain.
Je me brosse les dents, il est 3h50, je me lave le visage mais avant ça je m'observe. J'observe ma gueule dépitée de puceau tardif bossant à l'usine. Je suis cerné, calvitié, j'ai aussi des marques rouges de la veille dues à de l'acné et à un rasage trop agressif.
Je soupire et j'ai une grosse pression dans ma poitrine. Bon je taille.
Évidemment je n'oublie pas mon sac d'usiniste. A l'usine tout le monde a un sac, souvent un sac kipsta éclaté ou un décathlon pas cher, à l'intérieur on y met le casse dalle, dans une boîte en plastique souvent. Je prépare le mien la veille, j'y mets toujours la même chose : un jambon beurre éco+, un sachet de chips Lidl, une brioche aux pépites de chocolat noir maître Jean-Pierre (cimer chef), une banane, une pomme. Quand je suis à l'usine j'ai tout le temps faim.
4h00 il est l'heure que j'y aille. Habitant dans le nord, il fait toujours moins de 15°C la nuit et j'ai donc froid, j'ai froid dehors, j'ai froid dans ma caisse. J'allume les feux et je démarre, je fous le chauffage à fond puis je roule tranquille direction l'usine, j'ai environ 8 minutes de trajet et je prends tout le temps la même route. Le chauffage souffle de l'air froid tout le long du trajet, il se réchauffe un peu juste avant l'arrivée sur le parking de l'usine.
Je ne roule ni vite ni lentement, des fois j'éteins mes feux et j'essaie de rouler à la lumière de la lune comme les truands dans les films mais je ne fais ça que 3 secondes car je ne vois vraiment rien.
Une fois arrivé à l'usine je me gare puis j'arrive au tourniquet, je sors mon badge j'entre dans le site (tout est grillagé) puis je vais aux vestiaires. L'enfer commence.
En général peu de gens disent bonjour. On s'en branle on veut juste que les 8 heures d'enfer se terminent le plus rapidement. Travaillant dans l'agro, je dois porter un pantalon en coton blanc ainsi qu'une veste en coton blanc. Je me dirige vers les cintres ou sont rangés les habits propres et comme d'habitude, rien à ma taille. Je suis de taille normale et de poids normal mais les habits à ma taille sont soit troués ou volatilisés, merci aux cons qui prennent 3 chemises et 3 pantalons puis qui les planquent dans leur casier. Du coup je me retrouve avec un futal qui traîne par terre et une chemise qui me sert de voile, je suis grotesque.
J'ai aussi mes chaussures de sécurité bien sûr, inconfortables au possible et qui défoncent le dos.
Je passe devant les chiottes, je quitte les vestiaires puis je pointe. Prise de poste à 4h30 mais je dois arriver à 4h25 afin que le collègue avant moi me donne la relève. Souvent la journée se passe normalement, des fois c'est la merde et dans ce cas la je suis tout seul à gérer des pannes, des commandes à rattraper ou d'autres trucs chiants.
Si je devais résumer mon travail ce serait : courir partout dans l'atelier et courir encore plus quand ça merde. Rien de plus. Je m'occupe de 4 lignes de production, je dois avoir l'oeil sur tout et à tout moment, parfois je fais de la manutention. C'est très chiant et aliénant, personne ne parle car il y a trop de bruit dans l'atelier.
De toute façon de quoi parler et avec qui ? On parle souvent de la boucle sur ce forum mais la plus grosse boucle c'est l'usine et de loin. Les mecs qui viennent la tous les jours depuis des années sont atteints mentalement. Je les estime mais ils ont un grain. Certains n'ont qu'un seul sujet de conversation, leur jardin, leurs achats (la plupart sont de gros consuméristes), les voitures ou les jeux vidéos. Ça s'arrête la. Des fois on rencontre des gens intéressants et assez malins, on se demande comment ils ont pu atterrir ici, dans ce merdier.
Les pires sont ceux qui ne parlent QUE de l'usine, c'est rare mais c'est le cas de certains, si on a le malheur de les rencontrer au café ou au supermarché, ils parleront des pannes, des commandes à venir, des erreurs commises par tel ou tel employé, de la conjoncture économique dans l'industrie agroalimentaire (des remarques qui ne viennent pas d'eux mais qu'ils répètent sans cesse et de jours en jours).
Du coup j'attends la pause, et je pense. Je pense énormément car c'est la seule chose à faire. Je pense à Karl Marx et au surtravail, je pense aux gamins dans les usines d'allumettes au XVIIIe siècle en Angleterre, je me dis que c'est pas si mal ici finalement.
Puis je pense à mes collègues du lycée, certains sont ingénieurs, d'autres profs, d'autres sont partis en médecine et je me dis que je devrais en finir. Je pense à une fille en particulier qui est en 6e année de médecine. La question du déterminisme m'obsède et me terrifie. Et si j'avais fait si, si à ce moment là j'avais fait ça est ce que j'aurais pu ...? Souvent je me dis, non. Trop pauvre, trop moche, trop faible, trop con, trop prolo.
J'aurais pu lancer les dés 100 fois de suite j'aurais tout de même fini ici dans cette usine atroce, et elle aurait toujours finie pédiatre et dans les bras de son bg 8/10.
8h20 je taille en pause. Mon poids a tendance à chuter dangereusement depuis que je suis à l'usine, alors je mange beaucoup contrairement à certains. Je me tape souvent des réflexions amicales des boomeurs matrixés "eh bah je t'emmènerai pas au resto avec moi!" ou encore "tu vas dormir tout à l'heure avec tout ce que tu manges". Je mange vite, je suis crevé, j'ai envie d'hurler et de pleurer. J'ai envie d'attraper mon voisin par le col, de le secouer et de lui dire "pourquoi on est la? Pourquoi on subit ça ??? C'est donc CA notre existence?"
Retour au boulot, rien de nouveau rien de surprenant, vivement midi trente que je me casse. Une fois l'heure arrivée je passe la relève à mon collègue, je lui souhaite bon courage et je taille, je me change en vitesse puis je sors. Lorsqu'il fait beau le soleil me fait mal aux yeux.
J'arrive chez moi, je dois préparer à bouffer mais j'ai qu'une envie c'est de mourir sur mon canapé et c'est ce que je fais souvent, du moins jusqu'à 14h. Le reste de l'après midi je somnole, comme lors d'un réveil après une anesthésie générale. Des fois je vais faire les courses, le reste du temps je reste chez moi. Je suis trop crevé pour go muscu, je ne connais personne et n'ai personne dans ma vie. Le week end est identique à la semaine sauf que je suis moins fatigué.
Le seul point intéressant est le fric, je gagne pas loin de 2k net par mois et je dépense peu : bouffe, clio de prolo, location de prolo, alcool et c'est tout. Du coup je fais comme mes collègues : je consomme.
En ce moment j'achète des fringues, ça ne me sert à rien car je ne sors jamais, mais j'ai toujours aimé porter des vêtements qui me plaisent, alors j'achète. Lorsque je reçois un colis je me sens heureux et pendant 15 minutes j'oublie presque ma vie misérable d'usiniste dépressif.
Le début de soirée est souvent alcoolisé, ça m'aide à m'endormir. Sous ma couette je rêve d'une autre vie ou d'un cataclysme nucléaire vaporisant toute forme d'existence sur Terre, puis je culpabilise, me disant que les autres n'ont pas une vie aussi merdique et méritent davantage de vivre que moi.
C'est ainsi que se poursuit ma vie, plate et sans saveur, aliénante, frustrante et déprimante. C'est ainsi que fonctionne l'industrie.
Demain ce sera pire.
Le 03 janvier 2025 à 09:45:36 :
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"Hein euuuuuuh quoi quoi? ah merde... c'est l'heure... 3h35... l'usine"Toujours seul, toujours puceau, toujours triste, personne à côté de moi dans ce grand lit. Je me réveille difficilement et j'allume la lumière dans ma chambre Lidl en bordel et puant le sperme.
Je vire ma couette, assit sur le côté gauche du lit je me lève puis j'enfile un boxer célio et mon jogging, je descends dans la cuisine pour manger vite fait. Dehors il fait nuit noire et sûrement frais. Je vois ces abrutis de papillons de nuit attirés par la lumière, se poser sur les fenêtres. Ils sont vraiment cons ces insectes.Je tremble à cause de la fatigue et de la fraîcheur de l'air, je me verse un café de la veille, je le passe au micro onde vite fait et je l'avale en 3 gorgées. Je mange 2 tranches de brioche et je vais dans la salle de bain.
Je me brosse les dents, il est 3h50, je me lave le visage mais avant ça je m'observe. J'observe ma gueule dépitée de puceau tardif bossant à l'usine. Je suis cerné, calvitié, j'ai aussi des marques rouges de la veille dues à de l'acné et à un rasage trop agressif.
Je soupire et j'ai une grosse pression dans ma poitrine. Bon je taille.
Évidemment je n'oublie pas mon sac d'usiniste. A l'usine tout le monde a un sac, souvent un sac kipsta éclaté ou un décathlon pas cher, à l'intérieur on y met le casse dalle, dans une boîte en plastique souvent. Je prépare le mien la veille, j'y mets toujours la même chose : un jambon beurre éco+, un sachet de chips Lidl, une brioche aux pépites de chocolat noir maître Jean-Pierre (cimer chef), une banane, une pomme. Quand je suis à l'usine j'ai tout le temps faim.4h00 il est l'heure que j'y aille. Habitant dans le nord, il fait toujours moins de 15°C la nuit et j'ai donc froid, j'ai froid dehors, j'ai froid dans ma caisse. J'allume les feux et je démarre, je fous le chauffage à fond puis je roule tranquille direction l'usine, j'ai environ 8 minutes de trajet et je prends tout le temps la même route. Le chauffage souffle de l'air froid tout le long du trajet, il se réchauffe un peu juste avant l'arrivée sur le parking de l'usine.
Je ne roule ni vite ni lentement, des fois j'éteins mes feux et j'essaie de rouler à la lumière de la lune comme les truands dans les films mais je ne fais ça que 3 secondes car je ne vois vraiment rien.
Une fois arrivé à l'usine je me gare puis j'arrive au tourniquet, je sors mon badge j'entre dans le site (tout est grillagé) puis je vais aux vestiaires. L'enfer commence.
En général peu de gens disent bonjour. On s'en branle on veut juste que les 8 heures d'enfer se terminent le plus rapidement. Travaillant dans l'agro, je dois porter un pantalon en coton blanc ainsi qu'une veste en coton blanc. Je me dirige vers les cintres ou sont rangés les habits propres et comme d'habitude, rien à ma taille. Je suis de taille normale et de poids normal mais les habits à ma taille sont soit troués ou volatilisés, merci aux cons qui prennent 3 chemises et 3 pantalons puis qui les planquent dans leur casier. Du coup je me retrouve avec un futal qui traîne par terre et une chemise qui me sert de voile, je suis grotesque.
J'ai aussi mes chaussures de sécurité bien sûr, inconfortables au possible et qui défoncent le dos.Je passe devant les chiottes, je quitte les vestiaires puis je pointe. Prise de poste à 4h30 mais je dois arriver à 4h25 afin que le collègue avant moi me donne la relève. Souvent la journée se passe normalement, des fois c'est la merde et dans ce cas la je suis tout seul à gérer des pannes, des commandes à rattraper ou d'autres trucs chiants.
Si je devais résumer mon travail ce serait : courir partout dans l'atelier et courir encore plus quand ça merde. Rien de plus. Je m'occupe de 4 lignes de production, je dois avoir l'oeil sur tout et à tout moment, parfois je fais de la manutention. C'est très chiant et aliénant, personne ne parle car il y a trop de bruit dans l'atelier.
De toute façon de quoi parler et avec qui ? On parle souvent de la boucle sur ce forum mais la plus grosse boucle c'est l'usine et de loin. Les mecs qui viennent la tous les jours depuis des années sont atteints mentalement. Je les estime mais ils ont un grain. Certains n'ont qu'un seul sujet de conversation, leur jardin, leurs achats (la plupart sont de gros consuméristes), les voitures ou les jeux vidéos. Ça s'arrête la. Des fois on rencontre des gens intéressants et assez malins, on se demande comment ils ont pu atterrir ici, dans ce merdier.
Les pires sont ceux qui ne parlent QUE de l'usine, c'est rare mais c'est le cas de certains, si on a le malheur de les rencontrer au café ou au supermarché, ils parleront des pannes, des commandes à venir, des erreurs commises par tel ou tel employé, de la conjoncture économique dans l'industrie agroalimentaire (des remarques qui ne viennent pas d'eux mais qu'ils répètent sans cesse et de jours en jours).Du coup j'attends la pause, et je pense. Je pense énormément car c'est la seule chose à faire. Je pense à Karl Marx et au surtravail, je pense aux gamins dans les usines d'allumettes au XVIIIe siècle en Angleterre, je me dis que c'est pas si mal ici finalement.
Puis je pense à mes collègues du lycée, certains sont ingénieurs, d'autres profs, d'autres sont partis en médecine et je me dis que je devrais en finir. Je pense à une fille en particulier qui est en 6e année de médecine. La question du déterminisme m'obsède et me terrifie. Et si j'avais fait si, si à ce moment là j'avais fait ça est ce que j'aurais pu ...? Souvent je me dis, non. Trop pauvre, trop moche, trop faible, trop con, trop prolo.
J'aurais pu lancer les dés 100 fois de suite j'aurais tout de même fini ici dans cette usine atroce, et elle aurait toujours finie pédiatre et dans les bras de son bg 8/10.8h20 je taille en pause. Mon poids a tendance à chuter dangereusement depuis que je suis à l'usine, alors je mange beaucoup contrairement à certains. Je me tape souvent des réflexions amicales des boomeurs matrixés "eh bah je t'emmènerai pas au resto avec moi!" ou encore "tu vas dormir tout à l'heure avec tout ce que tu manges". Je mange vite, je suis crevé, j'ai envie d'hurler et de pleurer. J'ai envie d'attraper mon voisin par le col, de le secouer et de lui dire "pourquoi on est la? Pourquoi on subit ça ??? C'est donc CA notre existence?"
Retour au boulot, rien de nouveau rien de surprenant, vivement midi trente que je me casse. Une fois l'heure arrivée je passe la relève à mon collègue, je lui souhaite bon courage et je taille, je me change en vitesse puis je sors. Lorsqu'il fait beau le soleil me fait mal aux yeux.
J'arrive chez moi, je dois préparer à bouffer mais j'ai qu'une envie c'est de mourir sur mon canapé et c'est ce que je fais souvent, du moins jusqu'à 14h. Le reste de l'après midi je somnole, comme lors d'un réveil après une anesthésie générale. Des fois je vais faire les courses, le reste du temps je reste chez moi. Je suis trop crevé pour go muscu, je ne connais personne et n'ai personne dans ma vie. Le week end est identique à la semaine sauf que je suis moins fatigué.
Le seul point intéressant est le fric, je gagne pas loin de 2k net par mois et je dépense peu : bouffe, clio de prolo, location de prolo, alcool et c'est tout. Du coup je fais comme mes collègues : je consomme.
En ce moment j'achète des fringues, ça ne me sert à rien car je ne sors jamais, mais j'ai toujours aimé porter des vêtements qui me plaisent, alors j'achète. Lorsque je reçois un colis je me sens heureux et pendant 15 minutes j'oublie presque ma vie misérable d'usiniste dépressif.
Le début de soirée est souvent alcoolisé, ça m'aide à m'endormir. Sous ma couette je rêve d'une autre vie ou d'un cataclysme nucléaire vaporisant toute forme d'existence sur Terre, puis je culpabilise, me disant que les autres n'ont pas une vie aussi merdique et méritent davantage de vivre que moi.
C'est ainsi que se poursuit ma vie, plate et sans saveur, aliénante, frustrante et déprimante. C'est ainsi que fonctionne l'industrie.
Demain ce sera pire.
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