Les deux rois ne réunissaient pas tout le conseil dès le début d’une affaire : chacun d’eux l’examinait séparément avec ses cent sénateurs ; puis tous étaient convoqués ensemble, pour décider. Tatius habitait à l’endroit où est maintenant le temple de Monéta[50], et Romulus près de ce qu’on nomme les degrés de Belle-Rive, qui sont sur le chemin par où l’on descend du mont Palatin au grand Cirque. C’est là que se trouvait, dit-on, le cormier sacré, dont on fait le conte suivant. Romulus, pour éprouver sa force[51], avait lancé, du haut de l’Aventin, un javelot dont le bois était de cormier. La pointe entra si avant dans le sol, qu’il fut impossible de l’arracher ; et, comme le terrain était bon, le bois eut bientôt germé : il prit racine, jeta des branches, et devint, avec le temps, une belle tige de cormier. Les successeurs de Romulus, jaloux de conserver cet arbre, qu’ils honoraient comme chose sainte et sacrée entre toutes, le firent entourer de murailles. Un passant croyait-il s’apercevoir que son feuillage n’était plus ni vert ni touffu, et qu’il se flétrissait faute de nourriture, vite il allait faisant retentir devant lui la nouvelle. Alors c’étaient des cris : À l’eau ! à l’eau ! comme pour un incendie. On accourait de toutes parts ; on apportait au cormier des vases pleins d’eau. On dit que, lorsque Caïus César[52] fit réparer les degrés, les ouvriers, en creusant près de l’arbre, offensèrent par mégarde ses racines, et le firent périr.