L’été en France est devenu une saison insoutenable. Il ne s’agit plus de chaleur, ni même de canicule : il s’agit d’exposition continue, de pornographie passive, d’un étalage méthodique de peau, de courbes, de détails calculés pour exciter sans jamais offrir. Autrefois, il suffisait de peu : une robe légère, des sandales, un soupçon d’innocence dans l’air. C’était charmant, presque poétique. Aujourd’hui, on frôle la torture.
Chaque année, elles inventent un nouveau vêtement ou plutôt un non-vêtement. Des jupes si courtes qu’on aperçoit parfois l’élastique de la culotte, ou ce qu’il en reste. Des pantalons en lin blanc, volontairement translucides, qui trahissent les contours exacts d’un string. Des hauts en crochet, tissés comme un piège visuel, sans soutien-gorge bien sûr, laissant les tétons dessiner leur géométrie implacable sous le soleil. C’est une stratégie. Un art de la guerre subtile. Le corps féminin transformé en appât social permanent.
Le bronzage est uniforme, l’épilation chirurgicale, le vernis impeccable. Rien n’est laissé au hasard. Elles ne s’habillent pas pour elles-mêmes, cette fable ne trompe plus personne. Elles s’habillent pour être regardées, mais sans jamais admettre qu’elles le désirent. Et surtout, pour pouvoir ensuite accuser du regard celui qui a regardé.
Moi, je m’en fous. J’ai quelqu’un. Une femme simple, tendre, qui ne joue pas à ce jeu. Mais parfois, quand je marche en ville, je pense à ceux qui n’ont rien. Les khey seuls. Les invisibles. Ceux pour qui chaque short moulant est une gifle, chaque pas de sandale une provocation de trop. Ceux qui rentrent chez eux, ferment les volets, et préfèrent se branler dans le noir plutôt que d’endurer encore une fois le spectacle d’un monde qui leur rappelle, en continu, ce qu’ils n’auront jamais.
C’est ça, l’été en France. Une saison érotique sans exutoire. Un supplice visuel pour les corps sans partenaires. Une fête où on n’a pas été invité.