Un couple sur un scooter à 450 km/h

Sur une route sinueuse, bordée de champs dorés, Léo et Clara filaient à une vitesse de 450 km/h sur leur scooter. Le vent hurlait, leurs rires se mêlaient à la fureur du moteur. Ils étaient jeunes, insouciants, amoureux, vivant pour l’adrénaline.

Clara, accrochée à Léo, criait de joie, ses cheveux s'éparpillant au gré du vent. Léo, concentré, sentait son cœur battre au rythme de la route. Ils étaient invincibles, ou du moins, ils le croyaient.

Le soleil déclinait, peignant le ciel d’orange et de pourpre. Ils avaient prévu de s’arrêter au vieux pont, là où ils s’étaient embrassés pour la première fois. Mais alors que Léo abordait une courbe, il appuya sur la pédale de frein. Rien. Il tenta encore, le cœur soudain glacé. Les freins ne répondaient plus. Le scooter continuait sa course folle. Il vérifia le tableau de bord, espérant un miracle. Rien. La vitesse ne faiblissait pas.

« Clara, tiens-toi bien », murmura-t-il, la voix tremblante. Elle ne perçut pas tout de suite la panique dans son ton, trop grisée par la vitesse. Léo savait ce qui les attendait. À cette allure, une seconde d'inattention, et ce serait la fin. Son esprit s’emballa, cherchant une solution. Mais il n’y avait pas d’issue.

La route devant eux s’étrécissait, et au loin, un virage en épingle se dessinait, menaçant.
Il se tourna légèrement vers Clara, son visage pâle mais déterminé. « Clara, écoute-moi. » Sa voix était ferme, malgré la terreur qui le rongeait. Elle fronça les sourcils, sentant enfin que quelque chose n’allait pas. « Léo, ralentis s'il te plaît, tu commences à me faire peur... »

Il secoua la tête, les larmes brouillant sa vue. « Ne t'inquiètes pas chérie, on s'amuse. » Le vent épousait ses paroles, et Clara entendit du divertissement dans sa voix. Elle voulut protester, crier, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.

Le scooter vibrait sous eux, comme une bête enragée, indifférente à leur sort. Elle tenta de le raisonner une dernière fois. « Léo, je t'en supplie, ralentis. J'ai trop peur. »

Léo prit une inspiration profonde. Il savait ce qu’il devait faire. Il lui fallait dissimuler à Clara cette panne de frein, et garder la pleine possession de ses moyens, inébranlable. Même s'il vivait là ses ultimes moments en sa compagnie.

Il avait toujours su qu’il donnerait tout pour elle. « Clara, dis-moi que tu m'aimes. S'il te plaît. » Répondant à son souhait, elle lui confia qu'elle l'aimait éperdument.

« Maintenant, fais-moi un câlin. » Sa voix était douce, presque suppliante. Elle hésita, confuse, mais passa ses bras autour de lui, le serrant fort contre elle. Il sentit la chaleur de son corps, son parfum familier, et pendant un instant, il ferma les yeux, oubliant la route, la vitesse, la mort qui approchait.

Puis, d’un geste rapide, il ôta son casque. « Mets ça », ordonna-t-il, le lui tendant sans la regarder. Clara protesta, paniquée. « Non, Léo, qu’est-ce que tu fais ? » Mais il insista, sa voix brisée mais autoritaire. « Mets-le, Clara. Maintenant. Il gêne ma vision ». Tremblante, elle obéit, enfilant le casque encore chaud de sa présence.

Il défit ensuite son blouson de cuir, celui qu’elle lui avait offert pour son anniversaire, et le lui passa. « Enfile ça aussi. Vite. »
« Léo, arrête ! Pourquoi tu fais ça ? » cria-t-elle, les larmes coulant sur ses joues. Elle comprenait sûrement au fond d'elle, mais refusait d’accepter. Il ne répondit pas, concentré sur la route.

Le virage approchait, implacable. Il savait qu’il ne pourrait pas les sauver tous les deux. Mais elle, il le pouvait. Il le devait.
« Je t’aime, Clara », murmura-t-il, si bas qu’elle l’entendit à peine. Il posa une main sur la sienne, un dernier contact, puis il se pencha en avant, prêt à agir.

« Quand je te le dirai, tu sautes. Tu m’entends Clara ? Tu sautes sur le côté, aussi fort que tu peux. »
« Non ! Léo, non ! » hurla-t-elle, comprenant son plan. Elle s’agrippa à lui, refusant de le lâcher. Mais il était déterminé. « Tu vas vivre, Clara. Promets-moi. » Sa voix était un mélange de désespoir et de tendresse. Elle sanglotait, incapable de répondre, mais il sentit son hochement de tête contre son dos.

Le virage était là, à quelques secondes. Léo calcula mentalement. Il n’avait qu’une chance. « Maintenant ! » cria-t-il. D’un mouvement brusque, il poussa Clara sur le côté, de toutes ses forces. Elle hurla, tombant sur l’herbe bordant la route, roulant dans la poussière, protégée par le casque et le blouson.

Le scooter, libéré de son poids, vacilla légèrement, mais Léo le redressa, filant droit vers le virage.
Il savait qu’il ne passerait pas. Sans casque, sans protection, il n’avait aucune chance. Mais il sourit, un sourire triste, en pensant à Clara. Elle vivrait. C’était tout ce qui comptait.

Le scooter heurta la barrière du virage dans un fracas assourdissant, et tout devint noir.
Clara, à terre, releva la tête, le souffle coupé. Elle vit le scooter s’écraser, les flammes jaillir. Un cri déchirant s’échappa de sa gorge. Elle rampa vers les débris, ignorant la douleur dans ses membres, hurlant le nom de Léo. Mais il n’y avait plus rien à faire.

Les secours arrivèrent trop tard. Clara, légèrement blessée et vivante, fut emmenée à l’hôpital, le casque et le blouson toujours sur elle, comme des reliques d’un amour brisé.

Il fut consigné dans les journaux du lendemain qu'un accident de scooter était survenu, dont un seul des deux passagers avait réchappé, Clara, grâce à l'acte courageux de son bien-aimé Léo. L'enquête révéla que la panne du système de freinage du scooter avait engendré une perte de contrôle irrémédiable à une vitesse de 450 km/h.

Elle pleura pendant des jours, des semaines, incapable d’accepter qu’il l’avait sauvée au prix de sa vie. Chaque nuit, elle revoyait son sourire, entendait sa voix lui demandant un câlin, sentait la chaleur de sa main. Elle garda le blouson, usé et taché, comme un trésor. Parfois, elle le serrait contre elle, espérant y retrouver un peu de lui.

La route devint un lieu de pèlerinage, où elle déposait des fleurs, là où il lui avait offert sa vie. Clara vécut, comme il l’avait voulu, mais une partie d’elle resta à jamais sur ce scooter, à 450 km/h, avec Léo, dans cet instant où ils étaient encore ensemble, invincibles.