"L’été en France est devenu un strip-tease à ciel ouvert, sans musique, sans rideau, sans fin. Ce n’est plus la chaleur qui pèse c’est l’humidité du désir suspendu, jamais assouvi, partout diffus. Les rues sont des podiums et les corps, des réclames muettes, offertes au regard comme des vitrines qu’on lèche sans jamais entrer.
Les tenues ? Non, des prétextes. Des fragments de tissu suspendus sur l’essentiel, comme si chaque fil avait été posé par un pervers génial. La jupe n’existe plus : c’est une ceinture à peine étendue. Le lin blanc n’habille pas, il révèle, il trahit, il épouse chaque courbe jusqu’au pli secret. Le haut en crochet ? Un trompe-l’œil. Une illusion délicieuse qui laisse les tétons durcir sous le soleil comme une provocation adressée au ciel lui-même. Pas de soutien. Ni textile, ni moral. Chaque silhouette devient un piège.
Elles savent. Oh oui, elles savent. Elles guettent le reflet dans la vitrine, la courbe dans le regard. Tout est calculé. L’épilation sans défaut, le vernis qui capte la lumière, la peau tendue, parfumée, léchée par l’été. Ce n’est pas l’innocence qui se promène c’est l’arme du sexe désarmé, libre, mais inatteignable. Et surtout : c’est cette hypocrisie brûlante le refus d’admettre que c’est fait pour séduire, pour troubler, pour émouvoir, tout en accusant ceux que ça touche.
Moi, je suis à l’abri. Je dors auprès d’une femme qui n’exhibe rien, qui donne tout. Mais parfois, en ville, je pense aux autres. À ceux que l’été transforme en fantômes. Ceux pour qui chaque pas sonore de sandale résonne comme une gifle dans la poitrine. Ceux qui rentrent, éreintés, honteux, qui s’arrachent les yeux au porno dans le noir, pour ne pas être rappelés, encore une fois, de ce qu’ils ne toucheront jamais.
L’été en France, c’est devenu ça : une parade érotique où les mains sont coupées. Un jardin d’Éden avec des vitres blindées. Un supplice renouvelé à chaque coin de rue, chaque terrasse, chaque rire. Une orgie de peau sans baise, une tension permanente, une faim qui ne se dit pas"