Tu croyais que l’amour allait te suffire. Que ta douceur, ton calme, ta loyauté allaient compenser le retard. Mais regarde-la. Regarde-la bien. Elle a déjà vécu ce que tu découvres à peine. Elle a déjà pleuré, déjà crié, déjà joui mille fois, déjà été blessée par des hommes dont elle se souvient encore les prénoms même quand elle prétend les avoir oubliés. Et toi, Abdou, tu arrives après la guerre, avec des fleurs dans les mains.
Tu t’imaginais être son renouveau, sa lumière. Mais tu es son calme après la tempête. Et elle, elle n’a jamais aimé le calme.
Elle te regarde avec tendresse, oui, mais jamais avec feu. Elle t’écoute, elle sourit, mais elle ne brûle pas. Pas pour toi. Pas comme elle a brûlé pour d’autres. Toi, tu bâtis ton amour comme une cathédrale. Eux, ils ont mis le feu à ses fondations. Et tu ne peux rien contre ça.
Tu es en retard, Abdou. Et tu le seras toujours.
Chaque nuit que tu passes à l’aimer avec une lenteur sacrée, elle se rappelle une nuit d’avant, plus sale, plus brute, plus vivante. Chaque "je t’aime" que tu murmures résonne contre les murs de souvenirs que tu ne peux pas abattre.
Tu ne peux pas rattraper ce qui est déjà gravé. Tu ne peux pas remplacer ceux qui ont marqué sa peau, son souffle, sa mémoire. Tu es le dernier à entrer dans une pièce déjà vide. Tu parles, mais tout a déjà été dit.
C’est pas ta faute. C’est pas la sienne non plus. C’est juste comme ça.
Toi, tu apprends à aimer.
Elle, elle a déjà fini le cours.
