Topic de MC-VIE-SOUPYFAC :

Pauvreté

Supprimé

Ledzingom est de ces pauvres qui ne mendient pas, qu’on ne voit pas, qui disent ne pas vouloir d’argent, et qui éprouvent une honte terrible à l’idée de vouloir aller contre ce destin de persécuté.

Une honte encore plus douloureuse à l’idée de se concevoir soi-même comme un martyr, alors qu’il sait très bien que les raisons, celles qui l’ont poussé à naître dans cette famille là et de vivre cette situation, lui et pas un autre, ne dépendent ni de lui ni de dieu ; alors quelle honte éprouve Ledzingom lorsqu’il se surprend entrain de vouloir souffrir comme un martyr, quelle honte lorsqu’il sent le faux courage de son orgueil (pourtant si petit, si petit) de pauvre lui faire miroiter cette condition idéalisée, rêvée ; mais surtout, quelle honte ne le fait-il pas trembler sous le poids de la culpabilité quand il se rappelle qu’il n’ose même pas quémander, et que de puiser dans ses maigres ressources dans la torture que provoque le froid, la faim et la soif, est toujours plus facile que de quémander son argent ; alors Ledzingom préfère demander le sous à dieu en prière pendant que son corps souffre et accuse les rudes conditions de la misère embrassée.

Ledzingom sait qu’il sera comme un animal s’il commet cette erreur. Les restes d’humanité moisiraient en lui et il purgera sa faiblesse dans une débauche crasse et silencieuse faite de l’oubli de soi et de sa liberté. Et pourtant !
Il sent l’orgueil le ronger. Le secours est à portée de main. L’humilité nécessaire à cet abaissement, à ce reniement de son honneur fangeux, le terrifie.

S’il quémande, il se sauve de la souffrance, il se sauve. Commence alors un cercle vicieux où il se fera enchaîné de force dans l’aléatoire de la générosité des gens. Tout ce que cela puise en vanité, en pitié, agace et triture les nerfs déjà tiraillés de Ledzingom.

Ledzingom sait pourtant qu’il est, quelque part en lui, rompu à cette humilité sans fond, qui ne cache rien même une conscience transparente, qui laisserait s’écouler la vie sans la regarder, un témoin pur et sain.

Il ne maudit ni dieu ni ses parents ni même son estomac, retourné, qu’il s’imagine plein d’une méchante tumeur. Sa chair vierge d’adolescent est labourée par des éléments anonymes et vides de sens. Ledzingom pourrait très bien haïr cette absence totale de signification, pour accuser la terre entière. Non, Ledzingom ne se plaindra pas aussi vulgairement que cela.
Alors cette absence de haine et de motifs contre lesquels se rebeller est la preuve qu’il est capable de ne pas, au moins pour cette fois-ci, se soumettre à l’orgueil et refouler au loin les convictions délirantes qui sont sans doute les raisons de sa torture.

Il sait que c’est dangereux de ne pas demander de l’aide. Se taire le condamne à errer dans la faim et la soif. Souffrir encore nourrit l’idéal du martyr. L’absence de ce dessein mettrai un terme à ce délire fiévreux. Il se force à l’oublier et y arrive.

Ledzingom se sent devenir comme un démon. Il tire sa force du mal directement, sans l’interruption orgueilleuse de l’idéal rêvé. Le rêve a été écrasé par le lourd marteau des nuits, de celles qui épuisent même les plus hargneux des rêveurs.

Le bonheur n’est plus permis, il n’a plus sa place, ici, il n’est pas fait pour exister là, maintenant, mais il surgit quand-même, montre et brûle sa flamme devant les yeux envoûtés d’un Ledzingom effrayé de savoir, d’un coup, qu’il n’est peut-être pas si désespéré que cela, que la guérison existe et que le repos, fragile, court en durée et peu intense, sera consommé tous les jours. Être heureux l’effraie. Est-ce de la folie ? Le gamin émacié aux yeux brillants ne peut témoigner de sa force. Il a l’impression d’être le hochet d’un géant qui, dans son corps, détruirait sa raison, retournerait sens dessus-dessous ses organes pour en faire une bouillie. Il succombe toujours. Ledzingom se lève, se secoue, oublie la force et regarde le mal là où il sait qu’il se cache toujours, dans les yeux, dans les mots, dans les sales visages des gens.

Ceux là ne connaissent pas la force. L’aide n’est utile qu’aux vrais faibles, elle détruit les forts. Ledzingom serait confondu par le confort retrouvé, comme un naufragé qui jeûne depuis des semaines mourrait s’il pouvait manger tout à coup ce qu’il voulait. Ainsi toute la volonté de Ledzingom se concentre dans cette lutte contre les gens, ceux qui l’aident malgré lui. Il doit absolument maintenir en lui le géant. Tout ce venin craché sur les autres, mentalement, car c’est mentalement qu’il insulte les autres, ceux qui osent présumer sa faiblesse, ceux qui prendraient le diable pour un animal blessé, seulement déformé de naissance, tout ce venin, il le sait, le condamne à ne plus faire partie de ces autres. Hélas, il se sent profondément comme eux. Plus encore, il a la conviction qu’il ferait la même chose qu’eux s’il se voyait dans cet état. Il plaint les mères, pères de familles qui en le voyant voient le reflet brisé de leurs enfants. Il voit aussi dans ces gestes compatissants l’envie profonde de le voir lui, Ledzingom, disparaître. Il sait qu’il ne s’appartient plus. Son état de pauvreté et de délabrement écrabouille son intelligence, sa bonté, son esprit, si bien que cet état n’est que celui d’un déclin unique, d’une descente assurée aux enfers. Il ne se retrouvera jamais s’il ne tend pas la main.

Ledzingom voit sa force intérieure, celle de résister à tout, n’être que le signe annonciateur de la fin. Ainsi la décharge d’adrénaline devant un combat perdu d’avance érige l’animal faible et condamné en monstre assoiffé de sang, ainsi son adversaire, témoin de cet embrasement soudain, recul, petit à petit, pour mieux fondre sur l’insecte inoffensif ayant perdu trop vite son insolente flamme. Personne ne s’en étonne. L’issue est prévisible par tous, sans que jamais aucune surprise ne vienne interrompre, même par un geste auto destructeur, désespéré et d’une violence absurde, le déroulé froid et logique du combat. Le suicide s’atteint par nombre de voies, la force même peut y mener.

Il y a l'alcool, pourtant. Les grands yeux bleus du jeunot, quand il avale ce liquide brûlant, regardent par hasard les étoiles, et ne peuvent s’en détacher, car le liquide doit couler tant bien que mal, il ne pourrait pas autrement, il faut regarder les étoiles sans les contempler, sans défaillir, boire, avancer, quitter ce combat avant de se déchirer, ne plus être fort, car être fort, jusqu’au bout, c’est se condamner. Ses joues de femme, ses poignets nus, ils les a vu raidis par le froid, dans une vision, devenir ceux d’un mort, mais un mort ? Mourir ? Ce mot qui l’effraie tant. « Avant que je la connaisse, cette femme, oui, ma mère, j’ai juste vu son beau visage, rien de plus, et puis je me suis fait une idée : alors je l’ai connu, je l’ai aimée, et je me suis rendu compte que cette idée était une coquille vide ». La mort, ce mot l’effraie, c’est le seul mot qui reste vide, dont on ne peut se faire idée.

Les étoiles scintillent toujours. Le liquide cesse de couler. Ses grands yeux, jadis bleus, se teintent désormais d’un noir mesquin.

Il pense que souffrir est la clef du paradis terrestre. Que la pauvreté muette, aveugle et étouffée entre quatre murs, est de la misère aussi crasse et sournoise que le meurtre.

fait un synopsis pour nous donner envie de lire

Le 20 août 2023 à 01:51:04 :
fait un synopsis pour nous donner envie de lire

Un gamin pauvre se suicide

Données du topic

Auteur
MC-VIE-SOUPYFAC
Date de création
20 août 2023 à 01:50:09
Date de suppression
20 août 2023 à 02:23:00
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