Il pourra vous réjouir
Pourvu qu'il vous divertisse.
La Palisse eut peu de bien
Pour soutenir sa naissance,
Mais il ne manqua de rien
Dès qu'il fut dans l'abondance.
Bien instruit dès le berceau,
Jamais, tant il fut honnête,
Il ne mettait son chapeau,
Qu'il ne se couvrît la tête.
Il était affable et doux,
De l'humeur de feu son père,
Et n'entrait guère en courroux
Si ce n'est dans la colère.
Il buvait tous les matins,
Un doigt, tiré de la tonne,
Et mangeant chez ses voisins,
Il s'y trouvait en personne.
Il voulait aux bons repas
Des mets exquis et fort tendres,
Et faisait son Mardi Gras,
Toujours la veille des Cendres.
Ses valets étaient soigneux
De le servir d'andouillettes,
Et n'oubliaient pas les œufs,
Surtout dans les omelettes.
De l'inventeur du raisin,
Il révérait la mémoire ;
Et pour bien goûter le vin
Jugeait qu'il en fallait boire.
Il disait que le nouveau
Avait pour lui plus d'amorce ;
Et moins il y mettait d'eau
Plus il y trouvait de force.
Il consultait rarement
Hippocrate et sa doctrine,
Et se purgeait seulement
Lorsqu'il prenait médecine.
Il aimait à prendre l'air
Quand la saison était bonne ;
Et n'attendait pas l'hiver
Pour vendanger en automne.
Il épousa, se dit-on,
Une vertueuse dame ;
S'il avait vécu garçon,
Il n'aurait pas eu de femme.
Il en fut toujours chéri,
Elle n'était point jalouse ;
Sitôt qu'il fut son mari,
Elle devint son épouse.
D'un air galant et badin
Il courtisait sa Caliste,
Sans jamais être chagrin,
Qu'au moment qu'il était triste.
Il passa près de huit ans,
Avec elle, fort à l'aise ;
Il eut jusqu'à huit enfants :
C'était la moitié de seize.
On dit que, dans ses amours,
Il fut caressé des belles,
Qui le suivirent toujours,
Tant qu'il marchât devant elles.
Il brillait comme un soleil ;
Sa chevelure était blonde :
Il n'eût pas eu son pareil,
S'il avait été seul au monde.
Il eut des talents divers,
Même on assure une chose :
Quand il écrivait des vers,
Qu'il n'écrivait pas en prose.