[Risitas] La thèse en droit public en Risitas
Yo les kheys
A l'instar du khey Valerian_Knight qui a disparu des radars et son topic sur l'histoire, je vous propose un petit topic pour vous faire partager connaissances, expériences et anecdotes de recherche le tout en riant un peu
Qu'on mette les choses au clair, je suis un Jean-Juriste, donc je ne crée absolument rien de fou dans un laboratoire planqué dans le massif central, mais j'espère rendre ça passionnant.
Pour rester dans mon sujet de thèse sans en dire trop (je suis déjà enregistré sur thèses.fr et un stalking est vite arrivé ), de long en large, je vous parlerai quand j'évoquerais les sciences du droit de la Constitution, d'Union Européenne, de libertés fondamentales, d'immigration, de service public, de prison, d'hôpital, de contentieux et d'argent. Bref, plein de trucs qui devraient vous intéresser normalement
Je vous parlerai aussi lorsque cela arrivera d'anecdotes plus personnelles ou de l'environnement de la recherche: comment on travaille dans le droit (et les sciences humaines), la diffusion de recherche, l’organisation de colloques, méthodologie, etc. J'aimerais revenir sur des points où j'ai l'impression que le forum parle de ce qu'il ne maîtrise pas très bien. Mais ceci dit, faut admettre que le milieu de la recherche est un peu secret, mes parents eux mêmes ne haricotnt rien à mon travail
Et justement pour commencer, quoi de mieux de revenir sur un truc que j'ai moi même découvert récemment: la publication de nos articles de recherche dans des revues
CHAPITRE I: LES PUBLICATIONS ET LES REVUES SCIENTIFIQUES
Alors je vais pas vous surprendre en disant que pour qu'un chercheur soit connu, il doit publier ses recherches. Sinon, c'est un peu comme nous au lycée, on va pas le calculer
Il y a pour cela deux moyens envisageables. Le premier que je n'évoquerai pas plus que ça est de publier dans des sites et blogs personnels. Souvent, il s'agit de vulgariser son travail et de faire profiter son savoir à la plèbe
Mais en réalité, scientifiquement, ça a autant de valeur que votre compte en banque 2 jours avant le versement de votre RSA
La raison est simple. Il s'agit souvent de blogs personnels, sans comité de relecture. Dit autrement, il n'y a aucun filtre qualitatif, ce qui signifie que vous pouvez écrire, et surtout diffuser, de la belle daubasse tant sur la forme que le fond.
Ca n'empêche pas certains profs d'avoir leur blog personnel où ils se permettent d'être plus subjectifs et plus incisifs. Par exemple, le professeur Paul Cassia tient son propre blog sur Mediapart.
Et s'il ne cache pas ses opinions de gauche, force est d'admettre que ses articles peuvent valoir le détour notamment pour des néophytes
La seconde solution, la plus sérieuse, est d'être publiée dans une revue scientifique de renom. Pour citer des exemples de sciences dures, vous connaissez au moins de nom Sciences et Nature
Et en droit, vous connaissez peut-être de nom Dalloz et LexisNexis. Mais soyons précis, ce sont des éditeurs et pas des noms de revue.
Ce sont également eux qui éditent nos fameux codes regroupant des centaines de texte
En réalité, chacune édite plusieurs revues selon les thèmes. Chacune a par exemple une ou deux revues consacrées au droit du travail, au droit administratif, une autre au droit de l'UE, etc. A la louche, je crois que chacune édite au moins vingt revues différentes
Votre bienfaiteur ayant eu la chance d'avoir déjà publié un article, je vous explique comment ça s'est passé
Il m'a fallu d'abord écrire mon papier avec ma directrice de thèse qui m'a épaulé vu que c'était mon premier papier. Le travail m'a pris littéralement un mois et demi
Et je peux vous dire que le quatrième mail de ma DT qui me dit qu'il y a encore des corrections à faire n'est pas très bien passé
J'ai ensuite envoyé mon papier à l'éditeur. Mon article est passé devant un comité de lecture composé de professionnels du droit (professeurs, avocats, juristes en collectivité, docteurs en droit...) qui a validé mon article. Après de légères corrections (une faute de frappe ici, une virgule par là), mon article a été publié
Bon, il a été publié deux mois après leur avoir soumis. Ca calme déjà un peu
Et en plus, il a fallu attendre un mois de plus pour être payé alors que j'étais déjà à découvert
Pour cet article qui m'a pris, au cumulé, disons une bonne cinquantaine d'heures, j'ai été payé une somme folle de 180€. Oui, c'est que dalle
Et encore, 180€, c'est le brut. J'ai du payer 30€ à l'URSSAF puisque je cotise comme auteur
Cela constitue un premier problème. En France, mais aussi partout dans le monde, un enseignant-chercheur ne peut pas vivre de ses publications. C'est tout au plus un complément de salaire
Parce que vous vous dites sans doute que je me suis fait escroquer. Soyons précis, je suis payé à la page chez l'éditeur où j'ai été. 30€ la page exactement. J'ai fait cinq pages et demi qu'ils ont arrondi au supérieur, ça fait donc 180€. C'est assez généreux à première vue.
Mais un article tout propre nécessite des recherches préalables qui peuvent prendre une bonne semaine. Suivi derrière d'une rédaction qui peut être assez longue.
Forcément, réduit à l'heure, on arrive à un truc selon l'efficacité entre 3€ et 6€ de l'heure, on est donc en deçà de ce que touche un stagiaire
Sauf qu'en réalité, et certains chercheurs ici le confirmeront, je suis limite un privilégié
C'est limite bien payé comparé aux autres. Bien souvent, notamment en sciences durs, les auteurs d'articles ne sont littéralement... pas payés par les éditeurs
On en arrive donc au point un peu plus problématique du fonctionnement des revues scientifiques. Que certains collègues qualifient littéralement de mafia
Sweet ?
"sciences" du droit de la Constitution
+ palu + sweet
Le 08 mai 2021 à 15:31:01 :
Le 08 mai 2021 à 15:29:40 :
Le 08 mai 2021 à 15:26:17 :
"sciences" du droit de la Constitution
+ palu + sweet
Pourquoi ?
Alors c'est vrai que le droit constitutionnel est sans doute l'une des branches du droit les plus prout prout dans la mesure où il s'agit de la branche, avec certaines sous-branches du droit administratif, qui se rapproche le plus des sciences politiques.
Mais ça reste une vraie science qui nécessite une analyse poussée et des grosses capacités cognitives. Les meilleurs constitutionnalistes sont assez loin de se contenter de dire des trucs au pif et de vendre du vent. Au contraire, certains réalisent énormément d'analyses concrètes, comme justement Paul Cassia.
Ya des trucs assez sérieux à prendre en compte, ça va au-delà d'un intellectualisme pur et dur quand même
Je réponds sans avoir fini aux "bon il a été publié deux mois après avoir été soumis mais ça va"
A ayaaaaa je bosse en maths et en bio, en maths en deux mois t'as même pas encore été envoyé au reviewer faut plus d'un an pour une publi, en bio s'il faut refaire des expériences ce sera la même

Vous me faite bien rire avec vos études et vos cravates
Le 08 mai 2021 à 15:37:30 :
Je réponds sans avoir fini aux "bon il a été publié deux mois après avoir été soumis mais ça va"A ayaaaaa je bosse en maths et en bio, en maths en deux mois t'as même pas encore été envoyé au reviewer
faut plus d'un an pour une publi, en bio s'il faut refaire des expériences ce sera la même
Après c'est car on fait absolument pas le même travail
Je discute parfois avec des matheux, des biologistes, etc. Dans votre cas, pour publier un article, il faut réaliser des tonnes d'expériences qui durent six mois ou, pour les matheux, réaliser des algorithmes de gros batard. Et derrière, il me semble que les relecteurs vérifient à mort que vous dites pas de conneries et reproduisent les expériences et autres algorithmes.
Pas comparable avec les juristes dont l'exercice est, disons, assez littéraire. Si les connaissances sont exacts et si le raisonnement est solide, alors ça passe. Bref, il s'agit uaimement de lire.
Un dernier point: j'ai constaté que justement, beaucoup de vos articles sont préparés avec une bonne coopération de votre laboratoire. Forcément, ça prend également du temps.
Moi, ma DT m'a aiguillé puis m'a relu et corrigé. C'est plus rapide
Le 08 mai 2021 à 15:48:20 :
La thèse en histoire du droit ça se passe comment l'op?
Alors dans mon labo, y'a à ma connaissance aucun doctorant en histoire du droit
Mais grossièrement, comme son nom l'indique, t'es à la frontière entre droit et histoire. Ca nécessite d'aller consulter des archives qui prennent la poussière dans une cave puis à réaliser une analyse historique du droit de l'époque, sans perdre de vue l'aspect juridique.
Alors vous n'êtes pas sans savoir qu'en France, mais également dans la plupart des Etats du monde, la recherche est financée par des fonds publics.
Les salaires des enseignants-chercheurs mais également notre matos, du microscope jusqu'à l'ordinateur en passant par le café sont financés par le contribuable
Jusque-là, rien d'anormal, ça reste partie intégrante du service public
Notre article de recherche est donc un peu comme un Genkidama: grâce à vos impôts, quelques collègues qui assistent et relisent et un auteur ingénieux pour porter le tout, on arrive à une production scientifique décente
Sauf que les éditeurs eux qui vont publier nos recherches appartiennent à des sociétés privés
Bien sûr, les publications ne vont pas être gratuites, faut pas déconner non plus
Mais bien souvent, ces articles de recherche sont destinés aux autres chercheurs. Autrement dit, les résultats de recherche financés par l'argent public sont ensuite... achetés par ce même argent public
Pour que vous compreniez bien, c'est comme si un fermier allait vendre ses oeufs à un commerçant pour, deux jours plus tard, lui racheter les mêmes oeufs plus cher pour les manger
Je sais que dit comme ça c'est très con, mais en réalité, pas tant que ça
En réalité, le système avait à l'origine un sens. Déjà éviter un énorme foutoir avec un énorme tas de papier pas trié
Mais ça permettait aussi d'apposer un sceau de qualité parfaitement impartial et d'éviter toute influence et toute collusion
D'autant que cela permet aussi d'avoir des spécialisations selon les domaines. En droit par exemple, si certaines revues sont très transversales, d'autres se veulent très théoriques et sont avant tout destinées aux professeurs de droit, tandis que d'autres ciblent avant tout les professionnels (avocats et collectivités territoriales)
Bref pour éviter des partis pris, s'assurer d'un label qualité et trier tous les articles selon les domaines, confier ce travail d'édition à des personnes privés réputés neutres n'était pas déconnant
Cet argent dépensé, on pouvait le justifier en disant que c'était le coût pour payer les chercheurs (quand ils sont payés), les salariés bossant chez les éditeurs, le coût de publication des papiers et j'en passe. Un coût qui n'était pas assuré par l'université et les centres de recherche
Sans être véritablement sain, le système avait donc malgré tout une certaine logique
Le principal souci étant malgré tout que des revues coûtent très cher. Actuellement par exemple, un abonnement à l'AJDA, revue de droit administratif édité par Dalloz et paraissant toutes les semaines, coûte 745 euros par an
Un article à lui seul peut parfois coûter 40 à 50 euros, et certains articles plus rares coûtent parfois jusqu'à 100€
Aussi, les articles publiés par l'éditeur appartiennent à l'éditeur. Ce qui signifie que l'auteur de l'article n'est plus propriétaire de son article
Ce qui signifie par exemple que si je développe une idée que j'ai déjà traité dans mon article, je devrais m'auto-citer. Et si je le fais pas, je commets littéralement du plagiat
Et pas juste dans le sens déontologique, genre je profite de mes anciens écrits ni vu ni connu en mode paresseux. Non, c'est bien une pure infraction qui peut me valoir un petit détour chez Gilbert
Sauf qu'après l'arrivée d'Internet, la situation va rapidement dégénérer
Données du topic
- Auteur
- Urayne
- Date de création
- 8 mai 2021 à 15:24:55
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